Une comédie suffisamment déjantée pour faire mouche

Louis Garrel, fait avec L’innocent, une proposition plutôt inattendue car on attendait pas vraiment l’acteur/réalisateur sur une comédie qui sait faire réfléchir. Le rapport d’Abel Lefranc ( dont le nom prédestiné prend du plomb dans l’aile tout au long du film) avec sa mère n’est pourtant qu’un paravent et les circonstances de la vie vont l’aider à passer un cap dans son existence grâce au nouvel « amour-détenu »de sa génitrice. C’est finalement avec le nouveau coup de Michel Ferrand ( formidable Rochdy Zem en faux amoureux transi) où Abel fait vaciller ses blocages. Il redécouvre aussi grâce à Clémence,l’amie de sa femme décédée,une certaine idée du lâcher-prise et de la prise de risque. Noémie Merlant, dans le rôle à priori à contre-emploi de l’amie joyeuse, vivante d’Abel, a d’ailleurs la prestation la plus barrée du film. Cela fait plaisir de voir l’actrice se régaler de ses situations de jeu croustillantes ( qui lui font dire « je veux draguer le chauffeur » par exemple) et de proposer un visage inédit ( étant pour le moment plutôt dévolue à des rôles très/ trop dramatiques.) Plutôt bien dialogué, assez rythmé, l’Innocent fait passer un bon moment et on aurait pu craindre que son postulat déjanté fasse déraper l’ensemble.Il n’en est rien.D’autres bonnes surprises comme la bande originale très « années 80 » et subtilement placée pour suggérer la joie intérieure de la mère d’Abel, qui contrairement à son fils, s’autorise à vivre. J’ai bien aimé l’utilisation de la scène miroir du mariage en prison pour montrer que les rôles des protagonistes sont plutôt interchangeables mais aussi les scènes de solitude où Louis et sa mère subissent à leur tour des ruminements existentiels ponctuels. Truffé d’angles intéressants, de réflexions sur l’efficacité dramatique ( quand Michel veut faire travailler Abel sur le but d’une situation, de sa percussion), l’Innocent est un bonheur si on ne tombe pas dans le premier degré de lecture et si on réfléchit à l’agencement génial des scènes. Alors oui, ce serait dommage de ne pas aller voir ce film car il regorge de qualités sans chercher l’ostentation.Sa plus grande élégance.

Specliseur
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le 16 oct. 2022

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