La Bande à Baader par pierrick_D_

L'histoire de la RAF,Fraction Armée Rouge en français,groupe terroriste d'extrême-gauche plus connu sous le nom de Bande à Baader,qui a ensanglanté l'Allemagne de 67 à 77.Le réalisateur Uli Edel a souvent traité de sujets chocs,on se souvient de ses adaptations dans les années 80 du roman autobiographique "Moi,Christiane F." ou du "Last exit to Brooklyn" de Hubert Selby.Là,il s'attaque aux évènements qui ont marqué son pays dans ces seventies révolutionnaires.S'appuyant sur un livre de Stefan Aust,journaliste qui en son temps a côtoyé la fine équipe,Edel a cosigné le scénario avec son traditionnel producteur Bernd Eichinger.C'est du beau travail,le visuel et l'esprit de l'époque sont bien restitués et les auteurs ont fourni une histoire très documentée ne s'éloignant guère de la réalité des faits.En outre ils ont pris soin de choisir des acteurs proches physiquement de leurs modèles.Certes,malgré sa durée de deux heures et demie,le film peine à brosser un tableau des évènements qui soit toujours cohérent et compréhensible,tant il est compliqué de décrire clairement des faits s'étalant sur dix ans et impliquant de nombreux personnages.Globalement,Edel et Eichinger sont parvenus à rester impartiaux,ne versant ni dans la propagande gauchiste ni dans la condamnation résolue,laissant le spectateur se faire son idée à travers le prisme de ses propres opinions.Ce qu'on peut dire après avoir vu ça,c'est qu'on a affaire à une sacrée bande de cons,comme on en trouve dans tous ces mouvements de fanatiques désireux de "changer le Monde".Une ambition démesurée qui demande une sévère dose de prétention et de stupidité,d'ailleurs ils n'ont pas changé grand-chose,et ce qui a été modifié l'a été dans le mauvais sens vu que le Monde d'aujourd'hui est bien pire que celui des années 70.Ces gens ne pensaient pas à mal,ils étaient sincères mais hélas pas très futés.C'est le problème avec les purs et durs,ceux qui sont forcément du bon côté de l'Histoire et ont forcément raison,ils finissent par être pires que leurs ennemis et s'enfoncent dans une radicalité meurtrière.Et là on a une belle brochette de spécimens typiques de ces milieux militants.Leur vision était internationaliste,et ils prétendaient régler tous les problèmes de la planète,de la guerre du Vietnam à la chute du Shah d'Iran,en passant par le conflit israélo-palestinien qui battait déjà son plein en ces temps agités.Mais ils n'envisageaient pas d'aller se battre sur le terrain,oh que non,leur truc c'était d'aider leurs potes opprimés depuis leur propre pays,l'Allemagne donc,où il était nettement moins périlleux de jouer aux révoltés.Une longue série de hold-up,d'attentats à la bombe,de meurtres et d'enlèvements a alors secoué la RFA durant dix ans.Et tout ça pour quoi?Pour visiblement pas grand-chose a posteriori,mais il faut se mettre dans le contexte et comprendre que ces jeunes exaltés étaient shootés au romantisme gaucho-révolutionnaire déversé à pleins tubes via des discours creux,des tirades héroïques et des slogans infantiles,c'est la période qui voulait ça.On révérait les idoles,Marx,Lénine,Trotski,,Mao,Pol Pot,Ho Chi-Minh,Guevara,Arafat,rien que des démocrates éclairés et libérateurs des peuples.On copinait avec L'OLP,les Bolcheviks,Septembre Noir, le Fatah ou les Tupamaros,c'était la grande fête mondialiste des attaques lâches et criminelles,mais le triomphe du Bien version communiste était à ce prix.Ceci dit,nombre de ces luttes étaient parfaitement légitimes,et il est facile d'admettre que les ricains devaient se barrer du Viet-Nam,que les Palestiniens avaient le droit de revendiquer des territoires,que l'IRA avait raison de vouloir bouter l'anglais hors de l'Irlande,mais la méthode des groupes terroristes européens laissait à désirer.La RAF essayait bien au début de cibler ses attentats en piégeant des bases militaires américaines ou des représentants du "grand capital",banques,presse de droite,membres de la police ou de la justice,industriels,mais évidemment,quand on s'engage dans cette voie on se met en danger,on est traqué,des camarades tombent ou sont arrêtés,les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances et les victimes collatérales se multiplient,alors on se radicalise encore plus,on devient encore plus violent et on entre en guerre,tout simplement parce qu'on a été trop loin pour revenir en arrière et s'avouer qu'on a pu se tromper.Ce qui est amusant,si on peut le dire comme ça,c'est que La RAF,comme ses cousins italiens des Brigades Rouges,entendait combattre le "fascisme",ce mot magique qui justifie toutes les saloperies,qui excuse qu'on abandonne ses enfants pour entrer dans la clandestinité,qu'on tue indifféremment coupables ou innocents,parce que la Cause est au-dessus de tout,n'est-ce pas?Seulement,il y a un hic,car l'Europe des 70's était un endroit prospère et pacifié,on était loin de la misère du Tiers-Monde ou de l'autoritarisme borné,c'est même pour ça que ces terroristes ont pu sévir aussi violemment et aussi longtemps,c'est juste qu'ils ont été confrontés à des régimes mous et laxistes.Des évasions,des cavales,des attentats trop facilement perpétrés,des détenus qu'on laisse ensemble pour qu'ils puissent comploter à leur aise depuis la taule,c'était open bar pour la racaille gauchiste,et pour cause:l'Allemagne comme l'Italie vivaient depuis la fin de la deuxième guerre mondiale dans la culpabilité et la contrition,car il s'agissait des pays du nazisme et du fascisme.C'est aussi ce qui explique que toute cette jeunesse ait été obsédée par des dangers totalitaires révolus et ait voulu les combattre,pour expier sans doute les fautes de leurs ascendants.Alors s'il y avait des états à qui on ne pouvait pas reprocher d'être fasciste,c'était bien l'Italie et l'Allemagne,qui cherchaient désespérément à se détacher de ces marques infâmantes tout en réussissant leurs booms économiques,mais ça échappait largement à ces petits bourgeois gavés en révolte contre leur milieu.Leurs contradictions éclatent d'ailleurs constamment dans le film.Baader par exemple,qui n'est à l'origine qu'un délinquant allumé,pique de grosses colères qui effraient ses copains et s'en prend fréquemment aux femmes,qui la ramènent trop pour son goût de macho viriliste.Il est vrai que sa petite amie Gudrun Ensslin,fille de pasteur,et leur complice Ulrike Meinhof,journaliste de gauche,sont les vraies théoriciennes d'une formation que Baader impulse surtout grâce à son autorité naturelle et son charisme de voyou qu'il ne faut pas trop chatouiller.Il est de plus raciste,il faut entendre ses réflexions sur leurs hôtes arabes lors du séjour de formation à la guerilla effectué par la RAF en Jordanie.Et il faut voir les frictions dues au comportement de ces libertaires dégénérés face au rigorisme musulman qu'on veut leur imposer.Là,on mesure toute l'idiotie de la "convergence des luttes",qui est surtout une alliance de circonstance.Mais les meilleures choses ont une fin,et tout ce petit monde finira au gnouf,en dépit des efforts de la RAF deuxième génération et de leurs amis palestos qui feront tout pour les libérer,de l'assassinat d'athlètes israéliens aux J.O. de Munich en 72 au détournement d'un avion de la Lufthansa en 77,en passant par l'attaque de l'ambassade allemande à Stockholm en 75,avec encore des prises d'otages,des kidnappings et des assassinats,pour rien puisque quand même le gouvernement teuton ne pouvait pas s'aplatir à ce point-là et libérer l'état-major du groupe.Les comédiens,la crème de l'actorat allemand,sont à fond et tiennent leurs rôles avec ferveur,c'est sans doute le genre à partager les opinions de leurs personnages.Moritz Bleibtreu campe un Baader magistral,charismatique et cinglé bien comme il faut.Martina Gedeck est très juste dans le rôle de Meinhof,l'intello embarquée dans l'affaire un peu par hasard et qui se pose parfois des questions.Johanna Wokalek crève l'écran en pasionaria complètement tarée et venimeuse.Nadja Uhl incarne parfaitement Brigitte Mohnhaupt,la jusqu'au-boutiste qui prendra la direction des opérations après l'incarcération de ses amis.Niels Bruno Schmidt est le moustachu Jan-Carl Raspe,un des principaux leaders de la bande,alors que Stipe Erceg est Holger Meins,qui mourra en prison suite à sa grève de la faim,une de ces morts très utiles à la propagande d'ultra-gauche prétendant que le "pouvoir fasciste" tuait sciemment les prisonniers.D'autres membres de la RAF sont interprétés par Vinzenz Kiefer,Anna Thalbach,Annika Kuhl,Hanna Herzsprung,qui est l'ignoble Susanne Albrecht,qui a participé au meurtre d'un banquier ami de sa famille,Alexandra Maria Lara,encore une "martyre de la Cause",abattue par des policiers sur lesquels elle était en train de tirer,et Simon Licht qui est l'avocat des terroristes Horst Mahler,un curieux personnage qui deviendra plus tard un partisan de l'extrême-droite.Michael Gwisdek est Helmut Ensslin,le père de Gudrun,un pasteur très connu en Allemagne à l'époque,Sebastian Blomberg est intense dans la peau de Rudi Dutschke,un des pionniers de l'extrême-gauche allemande,victime d'une tentative de meurtre perpétrée par un jeune militant d'extrême-droite,Josef Bachmann,joué par Tom Schilling.On a aussi ce bon vieux Bruno Ganz,qui campe Horst Herold,le chef de la police,qui curieusement comprend les motivations des terroristes et n'est pas loin de les partager,ce qui ne l'empêche pas de faire son boulot consciencieusement.Il est flanqué d'un adjoint qui a la dégaine de l'excellent Heino Ferch,vedette de la série télé "Nordholm".Enfin,on remarque la présence de Volker Bruch dans le rôle de Stefan Aust,l'auteur du bouquin dont est tiré le film,et de Nina Eichinger,la fille du producteur-scénariste Bernd Eichinger.Notes et critiques de films d'Uli Edel publiées précédemment:"Pay the ghost"-1,"Moi,Christiane F.,13 ans,droguée,prostituée..."-6.Moyenne:4,3.