• Je me battrai pour mes convictions. Même si je dois en mourir. Sachez-le.

  • Vous en avez, une grande gueule. Et vous voyez grand. Vous avez débarqué il y a un an pour trouver une bonne terre. Vous pensez y être arrivé. Mais qui a rendu cette terre vivable ? Quand Dan et moi, on est arrivés, Bitters était un repaire de voleurs et d'assassins. Une vie valait moins qu'une balle de fusil. Une femme n'y était pas en sécurité. C'est pas avec des discours qu'on a éliminé la vermine qui infestait les routes. Je dis pas qu'on a fait ça seuls, mais on a fait plus que notre part ! On les traquait dans le froid pendant que vous étiez bien au chaud près de vos poêles. On ne nous a ni remerciés ni payés.



André De Toth signe en 1959 La Chevauchée des bannis, un western à part dans sa filmographie considéré par beaucoup comme le chef-d’œuvre du cinéaste. Provenant d'un scénario de Philip Yordan librement inspiré du roman de Lee E. Wells. Ce qui en fait une grande partie de sa réussite vient de son ambiance angoissante et étouffante illustré par ses décors réels aussi majestueux qu'impitoyable, glaciale et austère. Un cadre difficile distingué par une chaîne de montagnes entourant et isolant le petit village entier qui sera la scène de théâtre de l'intrigue, coupé du monde par une neige s'étendant à l'infini. Des conditions climatiques difficiles contribuant à son succès, appuyé par une composition musicale lugubre, signée Alexander Courage.


L'intrigue est inventive, présentant durant le premier quart du récit une guerre communautaire via des plaintes et de la récrimination pour une histoire de clôtures barbelées, entre l'éleveur Blaise Starrett (Robert Ryan) et le fermier Hal Crane (Alan Marshal). Malgré les tentatives d'Helen Crane (Tina Louise) l'épouse d'Hal et ancienne maîtresse de Blaise pour les stopper, la confrontation semble inévitable. Alors qu'un duel au révolver s'engage entre les deux hommes, sept déserteurs de l'armée, font irruption, stoppant le duel et par là même prenant en otage la petite ville, le temps que le capitaine soit soigné. La première intrigue s'achève sur un cul-de-sac, on clot la péripétie pour en commencer une nouvelle, avec cette fois-ci pour menace les déserteurs dirigés par le capitaine Jack Bruhn (Burl Ives). Si la première partie se veut explicative, intimiste et tout en intérieur au chaud, la seconde libère toute sa rudesse et son cynisme par une constante oppression, livrant continuellement des scènes tendues et étouffantes.


Comme à son habitude André De Toth présente des personnages humains, ayant leurs failles psychologiques, ni vraiment gentil ni vraiment méchant. Robert Ryan qui apparaît au départ comme l'antagoniste, devant la situation de danger, prend en humanité et devient le héros du récit. S'engage alors un duel introspectif et philosophique entre Robert Ryan et Burl Ives, tous deux interprétés avec richesses par d'excellents comédiens, qui confèrent à leurs rôles une ambiguïté saisissante.


De nombreuses scènes sont marquantes grâce à une réalisation sans failles et inventives avec de nombreux cadres intelligents (une autre marque de fabrique du cinéaste) sublimés par une mise en scène qui place la barre haute.
Je retiens en particulier :
- Le discour de Robert Ryan sur la légitimité d’user de la violence contre Alan Marshal.
- La séquence du premier duel entre Robert Ryan et Alan Marshal avec la fameuse bouteille roulant le long du bar pour donner le signal au départ du duel.
- La longue scène du bal, livrant une ambiance irrespirable personnifiée par la contrainte faite aux femmes, qui doivent lutter lors de la partie de danse pour ne pas être souillée par les déserteurs. Une intensité dramatique remarquable sort de cette séquence, menaçant de se terminer en viol collectif.

- L'acte final, où on quitte la ville pour se retrouver en pleine nature inhospitalière, menaçante et assassine, où le seul bruit qui s'entend provient du vent glacial soufflant telles des lames de rasoir, véritable spectre de la mort sur les personnages qui se déplace difficilement à cheval dans une épaisse, profonde et rugueuse neige.


Parmi les points négatifs, je retiens son final qui occulte totalement la première intrigue laissée en suspens. Je pensais une fois la menace éliminée dans le froid glacial et meurtrier de la montagne, qu'on allait avoir droit à l'explication finale entre Robert Ryan et Alan Marshal, mais il n'en fut rien. Même du côté de Tina Louise, qui tout du long oscille entre son mari et le personnage de Robert Ryan, on a droit à aucune conclusion. C'est très gênant, surtout qu'il est bien précisé par l'antagoniste incarné par Burl Ives à Tina Louise, qu'une fois qu'il serait parti il y aurait tout de même une confrontation entre les deux hommes, et que son mari ne pourrait pas en réchapper. De quoi mettre l'eau à la bouche, mais finalement on occulte totalement ce point crucial.


À présent, je tiens à rendre justice à une injustice !


Comme mon titre de critique l'indique, je parle d'un éventuel plagiat et ce n'est pas pour rien. J'ai lu énormément de critique sur ce film, et je suis étonné que personne n'est relevé à quel point la chevauchée des bannis ressemble à un autre western sorti 8 ans plus tôt. S'inspirer d'une oeuvre pour en faire une autre ne me dérange pas lorsque cela est notifié.
Seulement lorsque l'oeuvre reçoit des titres très élogieux comme : " chef-d’œuvre d'une originalité défiant toutes les règles comptant parmi les plus étranges et mémorables du genre," la pilule devient difficile à avaler.
Michael Gordon a réalisé en 1951 un western peu connu étant parmi mes préférés " L'énigme du lac Noir ", avec Glenn Ford. Pour résumé, cinq hommes poursuivis par les autoritées se réfugient dans une petite ville isolée et perdue en pleine nature sauvage, entouré par les montagnes et ensevelis sous la neige (cela ne vous rappelle rien ?). Dans une atmosphère suffocante, glaciale, et austère les cinq hommes vont au fur et à mesure prendre le contrôle de la petite ville, où il n'y a aucune force de l'ordre, seulement des femmes. On a droit à une séquence où les criminels se mélangent aux femmes durant une soirée, où ils font de la musique et danse tout en essayant de les conquérirs (cela ne vous dit toujours rien ?). Parmi les criminels, il y a Glenn Ford qui est moins méchant que les autres, et qui contient ses hommes pour qu'ils ne fassent pas du mal aux femmes. Ils se fait trahir par ses semblables et rejoint le village (impossible de ne plus y voir le rapprochement !). On retrouve les mêmes ingrédients : double liaison, trahison, décors sans saloon... seul le final dans son exécution est différent.
Bien entendu La Chevauchée des bannis ne mérite en aucun cas d'être traité comme un plagiat étant lui-même " librement " adapté d'un roman. Seulement je soupçonne le scénariste Philip Yordan (connu pour avoir majoritairement fait appel à des nègres pour écrire) de s'être servi de l'oeuvre de Michael Gordon " L'énigme du lac Noir ", pour combler les blancs. Sachant élément très important que Michael Gordon fut pendant 8 ans exclus du cinéma car posé sur la liste noir car il refusait de se plier à un mouvement politique contestable. L'énigme du lac Noir, a donc 8 ans d'avance sur La Chevauchée des bannis qui est considéré comme l'un des plus originaux du genre. Il y a de quoi avoir un sourire ironique.


CONCLUSION :


La Chevauchée des bannis est un western américain signé André De Toth de qualité, oscillant entre l'excellence et la frustration. Un western au scénario étonnant n'hésitant pas à changer de cap, sans prévenir, pour opérer de stupéfiants changements. L'atmosphère entraîne le spectateur sous une tension extrême, le rythme est lent, et les personnages sont merveilleusement disséqués. Néanmoins qu'on ne viennent pas me parler d'originalité autour de ce long-métrage qui arrive 8 ans trop tard. Si vous aimez La Chevauchée des bannis, alors il vous faut regarder L'énigme du lac Noir.


Une oeuvre intelligente et fataliste sur la condition humaine pour le dernier western d'Andre De Toth.

B_Jérémy
7
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le 30 mars 2020

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