"La chevauchée des bannis" est un western d'André De Toth réalisé en 1959, dur et sans concession, à l'image de la dureté des conditions de vie dans la montagne au Wyoming (ou Oregon) en hiver. De Toth l'a voulu ainsi en noir et blanc parce qu'il ne voulait pas que de beaux paysages en couleur agrémentent le western et en diminue l'impact sur le spectateur.


En première approche, le scénario met en scène des personnages-type du western dans des situations-type :
Un éleveur (Robert Ryan), premier arrivé il y a longtemps, a défriché la zone et l'a rendu salubre : il est attiré par la liberté des grands espaces et s'oppose aux fermiers qui au contraire ont tendance au confinement en posant des barbelés.
Entre l'éleveur et un des fermiers, se dresse une femme (Tina Louise), épouse du fermier qui a vécu une aventure avec l'éleveur par le passé
Des bandits, pourchassés par la police, arrivent pour se réfugier dans le village et soigner leur chef, ancien officier de cavalerie (Burl Ives), grièvement blessé par une balle au poumon.


Mais, ces personnages -types se révèlent très vite comme bien plus complexes.
L'éleveur, au fond, avoue presque que les barbelés sont un faux-problème puisque lui-même ne traverse pas souvent les terres des fermiers. C'est une opposition de principe. Au-delà de sa dureté et de son intransigeance, on perçoit une certaine humanité et prendra le lead de la communauté en emmenant les bandits dans la montagne.
La femme du fermier (Tina Louise) est prête à se donner à nouveau à l'éleveur, pour éviter une bagarre qu'elle imagine meurtrière. Sa personnalité, apparemment linéaire, est en fait, pleine d'ambigüités. C'est "le" personnage central du western sur qui vont se cristalliser bien des actions et des décisions.
Enfin, le chef des bandits, veut tenir et réfréner ses acolytes qui n'ont envie que de boire et de coucher avec des femmes. C'est un bandit mais qui laisse percer une certaine humanité.


Le film est remarquablement réalisé avec un dépouillement visuel très convaincant. On a parlé du noir et blanc qui se traduit par des paysages enneigés très uniformes avec comme seul détail des arbres. Mais les décors intérieurs sont aussi très sommaires à l'image du saloon où une ou deux bouteilles trainent sur les étagères comme aussi l'épicerie dont les étalages sont vides accentuant la dureté d'une vie en hiver où le ravitaillement n'est pas assuré. La mise en scène de la bagarre imminente entre l'éleveur et les fermiers est brutalement interrompue par l'irruption des bandits dans le saloon.
Mais c'est la scène du "bal" qui est très remarquable. Les bandits arrachent l'autorisation de leur chef de pouvoir danser avec les 4 femmes du village dont Tina Louise.
La danse est oppressante car on comprend que les bandits ne veulent pas en rester là. Les couples de danseurs tournoient très rapidement et sont filmés par une caméra qui filme sur un angle panoramique de 360°. On n'est pas loin du viol collectif car les bandits sont de plus en plus entreprenants avec les femmes qui se défendent comme elles peuvent jusqu'à ce que le chef des bandits sonne la fin de la récréation. André de Toth raconte dans le bonus que les consignes données aux acteurs jouant les bandits avaient été cachées à Tina Louise qui se trouve embringuée dans une danse et ne sait pas trop ce qui va lui arriver. Ce fut volontaire pour que l'élément de surprise marche à plein.


Le rapport de l'homme à la nature est un autre point remarquable de ce western souligné par Tavernier.
Habituellement dans un western, la nature prime sur l'individu et l'individu prime sur la collectivité.
Ici les rapports sont inversés car la nature est un élément hostile dont l'individu doit se protéger et la collectivité prime sur l'individu car l'individu tout seul n'a aucune chance contre la nature.


"La chevauchée des bannis" est un très intéressant western dont les personnages se révèlent plus complexes que ce qu'on pourrait imaginer en première lecture.

JeanG55
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le 15 mai 2021

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