Grand amateur des quelques films que j'ai pu voir de Guillermo Del Toro, il me tardait de pouvoir poser mes yeux sur sa nouvelle création, d'autant plus que celle ci a été grandement appréciée et récompensée (souvent à l'unanimité) aux différentes cérémonies consacrées au cinéma. Car Guillermo Del Toro a le chic pour créer des univers et des ambiances envoûtantes, arrivant à nous faire ressentir des émotions totalement contradictoires en l'espace de quelques minutes, voire même simultanément. Le labyrinthe de Pan, considéré par beaucoup comme étant son meilleur film, en est le meilleur exemple, mêlant la féerie enfantine (et encore, l'homme pâle me fais signe que non) à la (très) dure réalité de la post guerre civile Espagnole. La scène introductive du film qui nous intéresse aujourd'hui est par ailleurs bien semblable à celle du Labyrinthe de Pan, avertissant dès lors son spectateur de la direction que va prendre le film au cours de ces 2 prochaines heures.
Comme le titre (bien peu subtil) de cette critique vous l'a surement déjà fait compris, la mise en scène et l'ambiance de ce film m'a beaucoup fait pensé à la filmographie de Jean Pierre Jeunet (je viens d'ailleurs de voir que le réalisateur français accuse Del Toro de copier Dellicatessen). Les 5 (ou 10) premières minutes pourrait vraiment nous faire croire que nous regardons un de ses films . Tout y est : les couleurs, la musique, le cadrage, les plans en courtes focales (n'étant pas un expert de la chose, je m'excuse d'avance si je dis une énorme c*nnerie à ce sujet), les personnages ! Une certaine innocence semble se dégager de tout cela, à tel point que même si, au contraire, la situation décrite semble bien pessimiste (la routine, le délabrement, les faux semblants de l'american dream des années 50), nous découvrons nos personnages avec le sourire.
Pour le scénario, je ne m'y attarderais pas avec précision, afin de ne pas gâcher le plaisir de la découverte, mais je dirais que beaucoup de choses se passent en seulement 2h de film, à tel point que j'ai bien cru en sortant du cinéma qu'il s'en était passé au moins 40 minutes de plus (mais je ne me suis pas ennuyé pour autant). Je peux en revanche parler des personnages : je les ai trouvé extrêmement humains. J'ai notamment beaucoup aimé la manière dont, à plusieurs reprises, on s'attarde sur certains détails de leur vie qui n'ont pas de grand impact sur le scénario, mais qui nous permet de nous faire avoir de l'empathie pour eux. Dans une interview donnée à France Inter, Guillermo Del Toro précisait qu'il avait écrit le rôle d'Eliza Pour Sally Hawkins, et ça se voit. Sans dire un seul mot du film, notre personnage principale dégage énormément de choses. La complicité qui est montrée entre Eliza et ses quelques amis semble bien réelle, et cela les rend vraiment attachants. On pourra regretter le manichéisme qui se dégage de tout cela, notamment à l'égard des quelques antagonistes du film, mais je pense qu'il s'agit avant tout d'un parti pris (le film nous est présenté comme un conte après tout), et que la situation de guerre froide dans laquelle se situe le récit peut aussi justifier en parti cette décision. Les dialogues sont bons, et les traits d'humour qui sont bien souvent présents sont cependant bien amenés (coucou Marvel, prend en de la graine s'il te plait). Par ailleurs, de manière plus global, les acteurs jouent tous très biens. Encore une fois sans entrer dans les détails, je dirai que le travail qui a été fait sur le personnage amphibien est vraiment réussi, et son costume est superbe.
Concernant la réalisation, je n'ai pas grand chose à redire dessus : certes, ça ne révolutionne pas le genre, mais c'est très beau. Guillermo Del Toro et son chef opérateur s'amusent comme des petits fous avec la lumière dans ce film. La caméra se ballade un peu partout, et bien des détails sont visibles à l'écran, ce qui fait plaisir à voir. Quelques scènes d'une violence assez cru (dialogues compris) viendront surprendre dans cette bonne ambiance, même si le traumatisme n'atteindra jamais celui d'une bouteille de vin tenue par un général franquiste (pour celles et ceux qui voient de quoi je veux parler).
Au final, La forme de l'eau c'est : Un beau film ; une belle histoire ; des beaux personnages (ou presque) ; un film qui nous fait passer par beaucoup d'émotions ; un film qui accumule les récompenses ; un film qui, certes, ne révolutionnera pas le genre, mais qui dont on se souviendra sûrement pendant de nombreuses années. Bref, un bon film quoi.