Sur la Côte d'Azur Steff Muller est un ébéniste au chômage.Ayant cruellement besoin d'argent,il descend en ville pour vendre un revolver qu'il possède.Mais il tombe sur Ralph Enger,un médecin fou échappé de l'asile qui lui confisque son arme et le prend en otage,ainsi qu'une chanteuse minable nommée Liliane.Son but est de créer un hôpital pour y opérer les enfants aveugles.Dans les années 80 Jean-Pierre Mocky n'était pas encore tombé dans la débine totale et le laisser-aller,et pourtant cette oeuvre préfigure grandement les daubes fauchées dont il abreuvera plus tard le marché.Il n'a visiblement pas bénéficié d'un budget énorme sur ce film dont il est réalisateur,producteur,scénariste,dialoguiste,monteur et acteur principal.Ce qui est regrettable est que cette adaptation d'un roman policier de la Série Noire signé Gil Brewer,dont Mocky s'inspirera à nouveau en 2007 avec son "13 French Street",aurait pu donner un polar intéressant car il a des atouts.Les décors tout d'abord qui,loin du luxe de la Riviera légendaire,sont insolites et présentent des quartiers pourris,des façades décrépites,des ruelles coupe-gorge ou des terrains vagues désolés.Cet environnement est bien rendu par la photo à tendance ocre et à la texture épaisse d'un Edmond Richard pour une fois à la hauteur.On note également le dynamisme de la musique très eighties de Jacky Giordano,qui utilise hélas un thème limité devenant vite répétitif.Et puis il y a cette ambiance inquiétante distillée par une galerie de personnages d'une laideur physique et morale repoussante,la marque de fabrique du cinéaste,avec une galerie de freaks sales,graisseux,obèses,négligés et vulgaires à l'élocution difficile.Cet emballage intrigant et séduisant ne va malheureusement pas faire illusion longtemps face à un scénario inepte agrémenté de dialogues débiles,cette interminable poursuite molle étant mise en scène de manière catastrophique par un JP qui ne pouvait clairement pas être au four et au moulin.Les réactions des protagonistes n'ont aucun sens,leurs déplacements sont gérés n'importe comment et les cascades,bien que réglées par le réputé Daniel Vérité,sont absolument pitoyables.Le film n'a aucun rythme et la façon dont Enger maîtrise ses otages,ou les retrouve quand ils se barrent,défie toute forme de logique ou de spatio-temporalité.Mais cette démonstration de branquignolerie cinématographique n'est même pas le pire car figurez-vous qu'on est dans un puissant exercice de réflexion politico-sociale.Le problème du réalisateur est que son appréhension de la doxa gauchiste est restée bloquée à l'école primaire et qu'il nous sert une épuisante mélasse à base de gentils pauvres opprimés par de méchants riches méprisants qui semble tirée d'un traité qui pourrait s'intituler "Le marxisme pour les moins de cinq ans".La mièvrerie se répand telle un chancre mou et dégouline longuement par tous les pores de l'image avec une complaisance renforcée par le fait que l'auteur s'est donné le beau rôle du justicier redresseur de torts.Le gars est un psychopathe XXL et une pâle ordure mais c'est parce qu'il est allé médeciner à la guerre et que ça l'a rendu dingue.La guerre c'est pas bien.Maintenant il est obsédé par l'idée d'ouvrir un hôpital pour soigner les gosses miros.Les mômes c'est bien,la cécité c'est mal.Mais pour ça il faut de l'argent,que bien sûr il n'a pas.Il entend donc,tel un Robin Hood moderne,voler ce fric aux riches.La fortune c'est mal,les rupins sont des salauds,les braquer c'est cool.Pendant tout le film,Enger tourne en rond,fuyant avec ses deux otages peu récalcitrants à l'intérieur de la même ville sans que la police,bizarrement commandée par le maire,ne parvienne à le choper.Les flics c'est des nuls,les politiciens c'est des ripous.A ce stade on pourrait envisager que tout ceci est humoristique,une sorte de thriller parodique.Mais absolument pas,c'est totalement sérieux et Mocky y croit à fond.Si au moins ça se contentait d'être con,on pourrait effectivement en sourire mais ça ne s'arrête jamais et il y a encore pire avec une morale ignoble directement issue de la mentalité d'assassins des penseurs d'extrême-gauche qui estiment que ce qu'ils considèrent comme de justes causes justifie de recourir massivement à l'homicide.De fait,ce film se vautre dans une apologie du meurtre décomplexée,cet abruti de Mocky passant son temps à brandir son flingue comme un demeuré et à tuer tous ceux qui ont le malheur de le contrarier,ces victimes n'étant en outre pour la plupart pas du tout les nababs qu'il prétend combattre mais des gens tout-à-fait modestes.Pour faire bonne mesure on aura même droit à un viol sordide et à une scène parfaitement malaisante lors de laquelle cet enculé terrifie une petite fille en la menaçant de son arme pour l'obliger à jouer du piano.La dernière pelletée finit d'enterrer bien profond le cercueil quand les deux olibrius kidnappés sont frappés du Syndrome de Stockholm et se mettent à approuver et aider le demeuré parce qu'après tout c'est plutôt sympa d'assassiner des gens pour peu qu'un blaireau grillé du bulbe leur vende l'idée sous la bonne perspective.Le menu est copieux et on comprend mieux après l'avoir avalé pourquoi Libération a inclus "La machine à découdre" dans son classement des meilleurs films des années 80.Pour ce qui est de l'interprétation on est aussi sur du gros volume avec une invraisemblable brochette d'incapables dont aucune troupe de théâtre amateur éphémère du fin fond de la cambrousse ne voudrait tant les prestations sont honteuses.Mocky bien sûr est atrocement à la rue dans son numéro pathétique de post stalinien à bonne conscience.L'allemand Peter Semler est un tocard et une chiffe molle en dépit de son allure de costaud barbu.Patricia Barzyk,Miss France 1980,est totalement inexpressive mais c'est une bombe atomique et ça ne fait pas le moindre doute vu qu'elle se balade dans le plus simple appareil durant la majeure partie du métrage,ce qui amène un certain intérêt au film.Pour le reste on voit passer des habitués de la maison comme Françoise Michaud,Sophie Moyse,Georges Lucas,François Toumarkine,Hervé Pauchon,Jean Abeillé,Ariane Kah ou Patrick Granier,avec en prime une flopée d'inconnus sortis tout droit du musée des horreurs ou de l'Enfer de Dante et qu'on ne reverra plus nulle part.

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le 16 sept. 2022

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