Le brave semi-bougre adapté et le bougre tapageur opprimé

Irréprochable témoignage de la rudesse ordinaire, face à l'homosexualité en particulier puis en général. La réception de ce film me régale tant elle aussi manque de finesse ; probablement tétanisés par le statut ou simplement l'évidence d'un film 'nécessaire' avec victime de l'intolérance, une masse de commentaires évoque une démonstration sur l'homophobie et donc un film probablement en avance sur son temps, encore celui des ténèbres sur le sujet.


C'est peut-être vrai, c'est secondaire ; c'est d'abord un film sur une relation trouble, avec la supposée victime tenant absolument à maintenir le lien et approfondir la situation, face à un supposé bourreau (même en tant que maître chanteur c'est un 'supposé') tenté d'en profiter comme de fuir. Balancer le secret l'intéresse moins que jouer avec les supercheries de son nouvel ami ; puis au hasard, sur un coup de déprime ou par des heures interminables, peut-être s'autoriserait-il... mais pas de façon pédé, non, moins engageant que ça. Tandis que l'autre le harcèle plus directement, tient surtout à ne pas se faire oublier. Beaucoup de ses interventions restent nébuleuses, si on y voit autre chose que les reproches affectés d'un amant lésé – autrement dit, des simulations de crise de couple, pour placer notre brave beauf en position de 'mari'.


Sous des dehors de drame un peu penaud avec une pointe de satire, nous avons ici une tragi-comédie avec des explosions de malaise (dérapage épileptique délicieusement navrant à la piscine) et de grands moments de jeu en roue libre ou grotesques (Dewaere explique à son camarade comment faire – les deux doigts dans la bouche, avec le geste pour bien remplir, sa mission – pour vomir entendons-nous !). Piéplu est magistral dans son personnage de directeur, pas tant pour le charisme débordant de l'acteur (largement dû à sa voix) que le ridicule impérial du personnage.


Dans sa première scène, il est assommant. Sa présentation des boîtes à idées me place du côté du troupeau de beaufs et d'enfants qui lui sont subordonnés ; cet homme n'est pas impressionnant, ce n'est pas une vigie. Il est simplement ronflant et il faut vite qu'il termine son numéro, qu'on puisse retourner à des activités normales. Mais, quand vient l'heure d'humilier le moniteur joué par Michel Blanc, il est en puissance, ses mots viennent facilement, le discours est soutenu par l'envie et la conviction. Dans son hypocrisie cassante, il est sincère. Le motif d'inculpation du moniteur est d'ailleurs d'une savoureuse ironie vu d'aujourd'hui ; il devrait même servir d'argument en sa faveur, alors qu'un abus à la Mysterious skin est plus probable (aucun contexte ne s'y prête mieux) et surtout plus grave qu'une contagion des esprits innocents – mais c'est logique car ce qui nourrit l'hypocrisie assèche le pragmatisme.


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Zogarok

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