La Petite Sirène
6.4
La Petite Sirène

Long-métrage d'animation de John Musker et Ron Clements (1989)

La Petite Sirène et Disney: Une relecture du conte pas si inintéressante

Bonjour à tous! Ayant récemment écrit une critique sur La Planète au trésor, j'ai pensé qu'il serait bien d'insérer son lien dans ma critique de La Petite Sirène...

https://www.senscritique.com/film/la_planete_au_tresor_un_nouvel_univers/critique/274172045

...car les protagonistes respectifs de ces deux films, Jim et Ariel, sont un très célèbre ship à succès sur lequel il y a de nombreuses images, nombreux AMVs et beaucoup de fanfictions.

J'ai eu envie de lier mes critiques de ces deux film aimant moi-même beaucoup ce ship.

Maintenant, à vous de décider si vous préférez lire la critique qui va suivre ou bien celle du lien posté plus haut.

Quatorze ans après Marina, la Petite Sirène, Disney créa sa propre version du conte avec La Petite Sirène.

Comme on peut s'y attendre, les Studios habitués aux happy-ends voulant donner le sourire aux enfants avant toute chose, la fin tragique est modifiée.

En effet, Ariel reste en vie et réussit là où Marina a échoué en ayant l'amour d'Eric là où Marina avait pas obtenu l'amour du Prince et en mourrait.

Mais un peu de contexte sur la création de La Petite Sirène et ce qu'il a apporté aux Studios Disney. En effet, à la sortie de ce film, Disney sort tout juste du Dark Age et décide de revenir à ses racines: à savoir l'adaptation d'un conte, ce qu'il n'avait pas fait depuis trente ans.

Ce retour aux sources lança un Second Âge d'Or durant lequel sortirent d'autres nombreuses adaptations de contes, grands classiques de la littérature populaires et légendes très connus tels que La Belle et la Bête, Aladdin, Le Bossu de Notre-Dame, Hercule ou encore Mulan.

Tous furent réécrits par les Studios Disney qui n'hésitèrent pas à adoucir les histoires de base afin de les rendre plus accessibles au jeune public.

Cependant, cela veut-t-il dire que c'est du révisionnisme insultant?

Penchons-nous en détails sur le cas de La Petite Sirène version Disney.

Je ne parlerai pas en détails des chansons du film que tout le monde connait. Il faut dire que les compositeurs de ces dernières sont Alan Menken et Howard Ashman connus pour de nombreuses BOs Disney des années 90 transformant ainsi des Grands Classiques Disney en comédies musicales entraînantes qu'on connait par coeur que ce soit celles des héros lyriques, des sidekicks comiques ou intimidantes sans compter celles des méchants imposantes et menaçantes. Comédies musicales adaptées par la suite en "Versions Broadway". Chose à laquelle n'échappa pas La Petite Sirène.

Revenons sur l'histoire du film et ses aspects.

En ce qui concerne les sirènes elles-mêmes, là où Andersen se contentait les décrire comme des créatures hybrides mi-femmes, mi-poissons, Disney décide de leur redonner leur aspect principal que l'on avait plus mentionné depuis la fin de l'Antiquité à savoir des chants magnifiques et envoûteurs; sans pour autant en faire des ensorceleuses perverses attirant les hommes dans leurs filets mais juste des êtres ayant un magnifique don vocal exceptionnel.

On comprend ainsi davantage en quoi la voix de l'héroïne est une grande perte pour elle en plus du fait de ne plus pouvoir parler.

Nous reviendrons à cet aspect plus tard.

Un autre aspect intéressant du film est la relation parent-enfant étant totalement absente du conte d'origine. Si les soeurs de l'héroïne sont, comme dans Marina, la Petite Sirène, pas mémorables, le père est plus mis en avant. En effet, là où le conte se concentrait majoritairement sur la romance dans Marina, la Petite Sirène, dans La Petite Sirène, la romance est mise au second plan le film ayant préféré se concentrer majoritairement sur le rapport père-fille entre le Roi Triton brillamment interprété par Jacques Deschamps et Ariel.

Le film nous mets ici face à une chose réaliste pouvant faire écho à ce que vivent de nombreuses familles, des parents incapables de communiquer avec leurs enfants grandissants refusant d'admettre que ces derniers ne sont pas des êtres fragiles à protéger mais des personnes avec leurs propres pensées.

La Petite Sirène allant jusqu'à ne pas hésiter à montrer la chose dans des scènes assez impressionnables pour des yeux d'enfant.

https://www.youtube.com/watch?v=pnvVsChmTGE

Autre aspect intéressant, là où dans le conte original, les sirènes avaient le droit d'aller et venir à la surface à partir de leurs majorités quand bon leur semblait tout en devant faire attention à ne pas êtres vues des humains, dans la version Disney, les sirènes n'ont pas du tout le droit de communiquer avec le monde humain le monde marin croyant que tous les humains ne sont que des êtres féroces, barbares, mangeurs de poissons et incapables de sentiments.

Ce qui renforce et justifie davantage le désir de l'héroïne de voir un monde nouveau lui étant éternellement et non pas temporairement interdit d'accès celle-ci refusant de se baser sur des préjugés infondés.

Avant de parler d'Ariel elle-même, penchons-nous d'abord sur les autres personnages. Contrairement à ceux de Marina, la Petite Sirène n'étant pas vraiment mémorables, ceux de La Petite Sirène se démarquent pratiquement tous les uns des autres au point d'être très facilement reconnaissables.

Sébastien, le crabe-conseiller radoteur mais attentionné interprété par Henri Salvador. Le sadique Chef Louis français dans la VO, italien dans la VF interprété par Emmanuel Jacomy tentant vainement de mettre notre crabe préféré dans ses fourneaux. Eurêka, le goéland bébête mais rigolo interprété par Emmanuel Jacomy. Carlotta, la servante à l'instinct maternel interprétée par Claude Chantal. Grimsby, le conseiller à la fois bienveillant et maladroit interprété par René Bériard. Ou encore Polochon, le poisson peureux mais ami fidèle interprété par Boris Roatta.

Si celui-là rappelle un peu trop Fritz, ami de l'héroïne, dans Marina, la Petite Sirène, il n'en est pas moins attachant et sympathique; bien que l'on sente qu'il a été créé afin d'avoir un produit dérivé pour exploiter le consumérisme des enfants.

Parlons maintenant du love-interest de l'héroïne interprété par Thierry Ragueneau. Autant ne pas nier la vérité, il est très fade. Pendant tout le film, ce n'est qu'un damoiseau en détresse passif qui subissant l'histoire et n'agissant pas dans cette dernière se contentant d'exister afin d'être un trophée pour Ariel. Cela au point que durant tout le film, il est sauvé non pas une, non pas deux, non pas trois mais QUATRE fois par les personnages: deux fois par Ariel et deux fois par les amis de cette dernière.

Toutefois, chose que l'on peut à la fois apprécier et déplorer, Eric se rattrape à la fin du film en ayant "l'honneur" de tuer Ursula, la méchante principale sauvant Ariel menacée par cette dernière. Hors, même si cela finit par rendre Eric moins passif et moins potiche, cet "honneur" aurait dû revenir à l'héroïne elle-même au lieu de devenir la demoiselle en détresse alors que le titre du film est La Petite Sirène.

Heureusement, cet aspect est légèrement rattrapé par le fait qu'Ariel tue Flotsam et Jetsam, sbires d'Ursula. D'autant plus que dans la version La Petite Sirène, comédie musicale, c'est bel et bien Ariel elle-même qui tue Ursula.

Penchons-nous à présent sur les antagonistes et méchants du film.

Si le Roi Triton est, à priori, dans le camp des gentils, celui-ci est plus un antagoniste intéressant qu'un vrai gentil. En effet, bien que plein de bonnes intentions, ce dernier fait plus de mal que de bien infantilisant sa fille qu'il refuse de voir grandir au lieu d'écouter ses désirs. Excessivement autoritaire, s'enfonçant dans ses idées reçues plutôt que d'être un vrai père, son attitude excessive manque de mener Ariel à sa perte.

A travers lui, la morale du film est brillamment illustrée. En effet, alors qu'il a détruit la caverne d'Ariel, ceci devient l'acte de trop poussant sa fille à se détourner de lui et à aller vers la méchante pensant que seule elle lui donnera ce qu'elle veut: devenir une humaine, aller sur la terre et être heureuse avec l'homme qu'elle aime.

Ce qui pousse, par la suite, le Roi Triton à rattraper ses erreurs et accepter qu'en plus du fait qu'il doit laisser Ariel partir, il doit accepter que l'autorité est moins importante que la tendresse.

Nous avons ici une double-lecture intéressante aussi bien pour les enfants que pour les adultes. En effet, là où pour les enfants, le message est "Les parents n'ont pas toujours raison. Et parfois, il est nécessaire de leur désobéir pour être sûrs d'heureux." pour les adultes, le message est "N'enfermez pas vos enfants dans les interdits. Écoutez leurs désirs sinon, ils perdront confiance en vous et feront confiance aux mauvaises personnes"

Nous arrivons ainsi à Ursula, la sorcière interprétée par la regrettée Micheline Dax. Il est indéniable qu'il s'agit d'une méchante charismatique étant restée dans les mémoires celle-ci étant apparue dans de nombreux dérivés Disney notamment dans la saga de jeux-vidéo Kingdom Hearts réunissant de nombreuses histoires de l'univers Disney.

Intelligente, manipulatrice, faisant passer ses marchandages odieux par de bonnes actions envers ceux qui ont besoin d'aide, on adore la détester tant elle est à la fois drôle et menaçante.

Mais si on adore écouter et répéter les paroles de sa chanson Pauvres âmes en perdition étant très entraînante, certains l'ont jugée dérangeante et, surtout, misogyne

https://youtu.be/hI3VjG0jHiE?t=40

Il est vrai que ces paroles sont la définition-même de l'idée faussée et malsaine "Sois belle et tais-toi". Cependant, il ne faut pas oublier que ces paroles sont prononcées par une MECHANTE. Donc, un personnage dangereux étant censé avoir des idées erronées que le spectateur doit voir comme un mauvais exemple à ne pas suivre. Idées erronées menant à des actes odieux les menant, par la suite, à leurs pertes. Raison pour laquelle l'héroïne manque d'être menée à sa perte après avoir fait un marché avec elle se basant sur cette idée fausse; avant de décider de la considérer comme une ennemie après avoir eu la chance de récupérer sa voix.

De plus, le fait qu'Ariel accepte de donner sa voix sous la pression montre que c'était le pire acte à faire d'autant plus qu'une fois que c'est fait, Eric ne voit pas Ariel comme une potentielle partenaire car sa sauveuse chantait.

La façon dont la voix et l'absence de voix d'Ariel dans le film est d'ailleurs assez intéressante. En effet, contrairement à Marina, la Petite Sirène où le Prince pense que c'est une autre femme qui l'a sauvé, dans La Petite Sirène, Eric a entendu Ariel chanter avant de revenir complètement à lui. Ainsi, son intérêt qui le détourne de l'héroïne voulant son amour ne se porte pas sur une fausse sauveuse prédéfinie mais sur le fantasme d'un son. Ce qui fait qu'il ne peut pas savoir qu'Ariel l'a sauvé et doit apprendre à l'aimer en tant que personne avant toute chose. Comme le dit si bien Grimsby

"Il vaut mieux une femme bien réelle qu'un rêve que l'on poursuit"

Et n'oublions pas le Roi Triton voulant que ses filles chantent pour lui, Ariel incluse les traitant ainsi comme des petites filles charmantes obéissantes et non pas des personnes avant son évolution finale en père à l'écoute.

Autre chose intéressante au sujet de l'utilisation de cette même voix est qu'Ursula utilise cette même voix afin de prendre l'apparence d'une belle jeune fille nommée Vanessa pour séduire Eric. Ici, ce n'est pas la fausse sauveuse définie qui fait croire à Eric que la rivale d'Ariel est celle qui l'a sauvé mais seulement la voix qu'il a entendu; une voix sans forme physique toujours en rapport avec le fantasme.

Ce n'est que lorsqu'il comprend que la voix de Vanessa n'est pas la sienne mais celle d'Ariel à qui il s'était attaché ouvrant ainsi les yeux sur ce que lui avait dit Grimsby avant qu'il ne soit trop tard.

Puisque les sidekicks adjuvants ont été évoqués, parlons maintenant des sidekicks opposants. Flotsam et Jetsam sont les sbires d'Ursula tous deux doublés par Vincent Grass. S'ils ne semblent avoir rien de terrifiant, ils sont toutefois vicieux de manière jouissive. Surveillant Ariel de près, parlant d'un ton mielleux, prenant plaisir à exécuter les ordres d'Ursula avec qui ils semblent avoir une certaine complicité...

...après qu'Ariel les a tué, elle montre brièvement un peu de tristesse.

...ils mériteraient vraiment d'être dans un top des meilleurs méchants sidekicks Disney.

Bien, puisque nous avons parlé de tous les personnages, parlons maintenant maintenant de la protagoniste principale: Ariel brillamment interprétée par Claire Guyot.

C'est une héroïne à la fois amusante et touchante. En dehors de sa jolie voix renforçant l'authenticité de ce qu'est une sirène, elle est dynamique, casse-cou n'hésitant pas à visiter des épaves tout en sachant qu'il peut y avoir des prédateurs dangereux, curieuse tout en étant un peu naïve sans être pour autant stupide. Bref, une adolescente se trouvant entre l'enfance et l'âge adulte pouvant faire des erreurs tout en sachant être lucide.

En effet, bien qu'elle sache que son amour pour Eric est dangereux et jugé comme contre-nature, elle n'hésite pas à tout faire pour pouvoir être avec lui car elle pense que c'est LA chose à faire même au prix d'erreurs. En gros, loin des héroïnes Disney dociles et/ou parfaites qui ne sont jamais en tort de quoi ce soit, Ariel est une héroïne plus humaines que les précédentes alternant entre bonnes décisions et erreurs compréhensibles du fait de l'environnement d'où elle vient qui ne lui permets pas forcément de prendre des décisions réfléchies.

En effet, beaucoup reprochent à Ariel de ne pas évoluer au cours du film et ne rien apprendre de ses erreurs; sans comprendre que c'est totalement voulu. Ariel ne correspond pas à la norme que se fixe l'endroit d'où elle vient et, au lieu d'apprendre une quelconque leçon doit rester fidèle à elle-même. Par conséquent, elle n'a pas à changer, c'est le monde autour d'elle (et accessoirement son père) qui doit changer et lui permettre de trouver la place qui la rendra heureuse.

Monde symbolisé par son père qui est trop autoritaire la traitant comme une petite fille sans accepter qu'elle a grandi et peut réfléchir par elle-même; et qui doit ouvrir les yeux en comprenant la morale suivante dite clairement par Sébastien à la fin du film:

"Il faut laisser à nos enfants la liberté totale de vivre leurs propres vies." phrase touchante dans laquelle peuvent se reconnaître beaucoup de parents voyant le film avec leurs progénitures.

La youtubeuse Cinémaniaque a dit dans sa vidéo consacrée à La Petite Sirène qu'elle avait rencontré beaucoup d'hommes incapables de voir le film depuis qu'ils étaient devenus pères de petites filles car se reconnaissant trop dans le personnage de Triton. Ce qui montre que, malgré tout ce que les puristes d'Andersen peuvent dire, si la version Disney ne respecte pas le conte original, elle n'en pas moins un propos intemporel parlant à chaque humain celle-ci ayant choisi non pas de massacrer le conte mais d'en faire autre chose.

Le respect d'une adaptation n'en fait pas forcément un bon film. Même si Marina, la Petite Sirène est très émouvant et mérite d'être vue pour son côté sombre et osé inhabituel dans un film familial, La Petite Sirène a également le mérite d'être vu pour son propos plus adulte qu'il n'y paraît.

Ainsi, contrairement à Toei Animation ayant respecté l'histoire de base consacrée à un amour malheureux et tragique, Disney a choisi d'en faire une relecture sur le rapport parent/enfant accessible à la plupart des gens qui en apprennent une leçon très importante.

Appréciez tout autant les adaptations fidèles que celles qui partent dans une autre direction sous peine de rater des oeuvres avec des messages plus que louables.

BlackBoomerang

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