J'ai immédiatement pensé à Albert Camus dans "Le Premier Homme" à l'issue du visionnage de ce que je n'appellerais pas un film, ce serait faire trop d'honneur à cette bouse inconséquente, à ce truc ni fait ni à faire, etc etc.
En effet cette phrase peut s'appliquer à beaucoup de choses dans la vie, car qui n'a pas d'envies qu'il doit réfréner, de tentations malsaines ou simplement malheureuses. Mais l'homme étant censé être au-dessus de l'animal, il se doit de contrer ce qui relève de l'instinctif, du primaire, par la réflexion. Et donc de s'empêcher quand cela s'impose.
On entend énormément parler de liberté ces derniers temps, partout, dans n'importe quelle situation, et c'est elle que brandira toujours celui qui ne se sera pas empêché, et qui pour cela sera parfois rattrapé par la patrouille ou même la justice.
Cette introduction pour arriver au cas qui nous occupe, celui de cette "Vague" et donc de ceux qui l'ont initiée, financée, accompagnée. Le problème n'est pas la fausse bonne idée, on en a tous, on peut même dire que dans le cas présent c'est le métier des créateurs d'en avoir, il réside ailleurs, après. Car oui au nom de la liberté de création on doit pouvoir tout dire, tout faire, reste à savoir comment. Et c'est là que l'entourage compte : celui qui a la fausse bonne idée s'emballe, il est aveuglé, mais ça n'ira pas plus loin car il y aura toujours quelqu'un pour le calmer, tuer le monstre dans l’œuf, au pire lui couper la tête tant qu'il en est encore temps.
Mais ici personne n'aurait donc rien vu, l'effet de masse aurait cassé toute réflexion individuelle, personne pour s'apercevoir que Dennis Gansel n'était pas Haneke, que le sujet était inflammable et ne devait surtout pas être manipulé par un tâcheron, que l'intelligence ne se trouvait pas sous le sabot d'un cheval, que si la médiocrité de "Nous sommes la nuit" pouvait relever de l'anecdote ici on marchait éventuellement sur des œufs. A moins que ce ne soit tout simplement de l'aveuglement ou une absence de courage, pas facile de sortir du rang n'est-ce-pas ?
Nous sommes tous responsables de nos actes, mais avouons-le les conséquences ne sont pas forcément les mêmes selon qui parle et d'où. Ce que j'écris là par exemple n'a aucune importance, aura zéro écho, alors si je me trompe on s'en fout un peu. En revanche un film distribué mondialement, ciblant plutôt la jeunesse si j'en crois le ton adopté, noté ici par 43 000 personnes, a des responsabilités. Quand il prétend s'attaquer à quelque chose d'aussi grave tout du moins.
J'avoue que le film m'a fait rire par instants, lorsque que je l'ai regardé de loin, comme objet purement cinématographique. Tant de poncifs accumulés, de caricatures, d'amalgames, d'invraisemblances, de coups de canif dans le scénario pour arriver à ses fins, et tout ça filmé à la truelle, avec des moufles, ça relève presque du génie. Mais sans recul, écrit comme il l'est, au premier degré, sans parler de film dangereux je parlerais au minimum de film problématique. User de ce que l'on dénonce, banaliser ainsi les choses en les noyant dans un produit mainstream. Et que cela fonctionne (7.2 de moyenne), on vit vraiment une drôle d'époque aussi effrayante que fascinante.
Voilà, j'aurais pu me contenter de mes 2-3 lignes habituelles car une vague qui ressemble plus à un filet d'eau dans un bidet n'en mérite pas plus, mais je l'avoue la note ici-même m'a troublé, un brin inquiété même. Alors j'ai voulu en parler un peu plus largement, car SC est une communauté après tout.
Mais bien heureusement elle ne parle pas d'une seule voix, pas de chef ni d'uniforme, des avis qui se confrontent, et qui sont tout aussi respectables les uns que les autres. Alors aidez-moi à comprendre à côté de quoi je suis passé, pourquoi je me trompe quand je considère qu'une telle chose mériterait d'être rattrapée par la patrouille... du mauvais goût et de l'absence totale de talent.