Décembre commence, et pour bien démarrer ce mois-ci : Le pont des espions, ou The Bridge of Spies. Niveau attente de fin d’année, deux films ce mois-ci vont forcément faire parler d’eux : Star Wars, épisode VII Le réveil de la force de J.J Abrams, et Le Pont des espions de Steven Spielberg dont le nom ne pourrait être inconnu qu’à un ermite vivant hors technologie moderne et sans le moindre contact physique avec autrui, ce qui est très peu envisageable.


Quant on vous demande de citer un réalisateur qui a apporté quelque chose de nouveau au septième art, un élan novateur à Hollywood, Spielberg est très probablement l’un des premiers qui nous vient en tête. La liste de sa filmographie est longue, et autant dire que quand on a atteint la barre des 29 long-métrages et d’avoir eu son histoire auprès de la critique et du public, on peut se vanter d’avoir une carrière très rempli. La Liste de Schindler, Jurassic Park, la saga Indiana Jones (dont le 4), Hook, E.T l’extra-terrestre, vous avez surement entendu parler d’au moins 1 de ses films, au moins un seul parmi tous. Vous avez aussi dû entendre parler de ses films parfois plus mitigées auprès du public quand certains ne le descendent pas avec violence comme A.I Intelligence artificielle, Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal, Le monde perdu : Jurassic Park ou encore le film incompris qu'est le remake de La guerre des mondes.


En ce qui me concerne, le seul film de Spielberg que je pense pouvoir qualifier de mauvais serait 1941 qui est plus un plaisir coupable qu’autre chose tant l’humour peut paraître très lourdingue auprès d’énormément de monde et la parodie grossière, mais j’y ais trouvé mon compte.


Pour le reste, je retiens beaucoup de coup de cœur, que ça soit pour le divertissement familial tel que Hook, le film d’auteur plus sérieux voire des films plus sombre, notamment La Liste de Schindler et autant dire que lorsqu’on va voir un Spielberg au cinéma, la déception n’a pas sa place. D’autant plus que c’était mon tout premier film du réalisateur en salle et qu’il va prochainement collaborer avec Disney pour un film live. C’était également le dernier film d’espionnage de cette année après ce qu’on a eu précédemment (Kingsman, Code U.N.C.L.E, Mission Impossible : Rogue Nation et Spectre), une conclusion qui se devait de finir sur une bonne note surtout après la déception du sympa mais frustrant Spectre. J’avais déjà aucune inquiétude pour sa future collaboration avec Disney avant ma séance, et c’est pas après que je vais en avoir : Spielberg ne rajeunit pas mais ne perd toujours pas la main au fil des années, du haut de ses 68 ans il arrive encore à briller, pas sans fausses notes mais ce qui devait être réussi l’est d’après moi.


Dés les premières minutes Steven Spielberg installe sa mise en image avec ce que l’on retrouve dans la grande majorité de ses œuvres : l’utilisation des travellings vive et très actifs avec toujours autant de netteté, parfois pour une scène entière, un éclairage très puissant comme si la lumière du seigneur était présente, ça se ressent également dans sa photographie, certains plans très symbolique dans ce qu’ils expriment ainsi que certains gimmicks présent dans ses travellings habituels comme le mouvement de caméra qui révèle un environnement derrière un élément du décor. Cela dit, en plus des éléments habituels de sa réalisation, Spielberg rend le contexte social de la guerre froide très réaliste et authentique par le choix de n’utiliser aucune musique pendant la première demi-heure du film. L’ambiance en devient plus froide (comme la période) et crédible qu’il ne l’est déjà et l’utilisation minimaliste de la musique rend le récit beaucoup plus prenant et attractif.


Sans oublier que sa mise en image fait ressortir tout ce qui caractérise la guerre froide : à Brooklyn comme en Allemagne, à l’est comme à l’ouest.


Je retiendrais en particulier le premier passage en Allemagne sur la construction du mur séparant la partie est de la partie ouest. Il suffit de voir la scène ou l’on suit Doug Forrester entre les deux murs pour montrer à quel point cet événement était un tournant tragique pour de nombreuses familles, le travelling ou Spielberg relève la caméra au moment ou Doug passe de l’autre côté du mur pour montrer à quel point sa construction était un événement majeur sur cette guerre froide en est un bon exemple.


De même pour la représentation de la mentalité américaine sur la question des espions soviétique et de la justice américaine à leur égard, tout le monde a peur au point de considérer comme un traître quiconque défend les espions russes ou les présumés espions.


Même un agent de l’ordre s’en prend ouvertement à James Donovan alors qu’on a tenté d’abattre sa famille pour avoir défendu Rudolf Abel, au point de parler de son service militaire à Omaha Beach ou Donovan aurait aussi servi d’après ses dies (tiens tiens ? Un clin d’œil à l’introduction du Soldat Ryan ? Hum hum).


Malheureusement, le choix de réduire la musique à une utilisation minimum fait que le travail de Thomas Newman devient très tertiaire comparé au reste. En soit, la partition est correcte mais décevante, car Thomas Newman a, en principe, comme qualité d’apporter, très souvent, une ambiance particulière sur chaque film pour lesquels il bosse musicalement parlant, notamment avec des œuvres tel que Les sentiers de la perdition, American Beauty ou encore La Ligne Verte. Seulement là, il a tendance à élever le son de manière exagéré et sa musique est trop peu présente sur deux heures vingt pour qu’on en retienne grand-chose comparé au reste, mais au moins le minimum syndical est présent.


Cependant, la première chose que l’on retiendra dans ce film, c’est la cinquième collaboration entre Steven Spielberg et l’acteur Tom Hanks, tout simplement à mes yeux l’un des meilleurs acteurs de ces dernières années. Et ce n’est pas sa quatrième collaboration avec Spielberg qui prouvera le contraire, Hanks est un as pour rendre crédible chaque personnage qu’il interprète, il n’exagère jamais trop sur son caractère et fait preuve d’énormément de justesse dans son interprétation. Et c’est aussi un maître pour jouer des personnages accumulant des problèmes. Pour ce qui est de James Donovan, même si l’écriture du personnage est une réussite, je lui reproche néanmoins d’être un peu trop perfectionné. Comprenez bien que j’ai aucun mal à ce que le personnage central soit présenté comme un modèle, surtout quand il s’agit de montrer un avocat, également père de famille, motivé par son travail et intègre qui fait fis des différences de nationalités même en temps de guerre froide (son duo avec Mark Rylance est d’ailleurs délicieux) et on le voit se confronter à la difficulté, mais du coup le fait qu’il ne semble pas faire de réel erreur dans ses choix, ça le rend admirable et c’est l’idée qu’on veut s’en faire mais au final il n’a pas de grosse progression. Malgré tout, le fait de le voir présenter ses opinions juridiques et en privée avec sa famille le rend profondément sympathique et ça rattrape ce détail.


Surtout quand il le place, j’y viens, avec le fameux espion soviétique, Rudolf Abel, jouée sobrement par Mark Rylance ou l’on sent que les frères Coen, scénaristes du film, ont ajouté leur touche d’humour dans les dialogues entre les deux hommes, le runing gag principal, dosé comme il faut sans être exagérément exploité, consistant à ce dialogue de deux phrases :




  • Vous n’avez pas l’air inquiet.

  • Pourquoi, je devrais l’être ?



Et surtout, chaque conversation qu’ont Abel et Donovan font mouche, on n’a jamais un parti pris uniquement pour l’un ou l’autre, Spielberg s’intéresse autant à l’espion et l’avocat qu’aux hommes qu’il y a derrière. Le duo marche à merveille à chaque fois qu’on les voit côte à côte. Le traitement est tout autre pour le reste des personnages. En général chacun a un temps d’apparition à l’écran suffisant pour qu’on s’en souvienne, néanmoins j’aurais aimé qu’on s’attarde un peu plus sur certains d’entre eux, notamment les deux prisonniers américain, Francis Gary Powers et Doug Forrester. C’est quand même con puisque l’histoire se base également sur l'échange dont ils font l'objet,


en plus des intérêts communs que doivent trouver les deux camps pour l’échange,


Magnussen et Austin Stowell remplissent bien leur part de travail en plus alors c’est un peu dommage de ne pas prendre un peu plus de temps pour les connaître plus.


Eve Hawson était bonne pour le temps d’apparition qui lui était donné, elle n’apporte rien de nouveau mais elle fait ce qu’elle doit faire. Amy Ryan également livrait une performance honnête. Le casting était en général bien dirigé, mais la palme revenait surtout à Tom Hanks et Mark Rylance, le premier parce que je le vois bien nominé à l’Oscar en 2016, et l’autre pour toute la sympathie qu’il m’inspire.


Il me reste à parler du script, le scénario écrit par le duo à film noir et à comédie, Ethan et Joel Coen qui offraient, pour la première fois, leur service de scénaristes à Steven Spielberg. Et autant le dire de suite, tout ce qui fait la force de ce script ce sont les dialogues et son contexte historique, de la même manière que pour Lincoln qui était une biopic très politique sur ce qu’il racontait. Ainsi que l’état d’esprit de l’époque qui est reconstruit sur la guerre froide.


Certains diront, les mauvais langues en tout cas, que ce n’est qu’un énième film classique armée de son patriotisme. Ben... non, le seul élément pour lequel je pourrais donner raison à cet argument (plus cliché qu’autre chose maintenant), ce serait pour un plan que Spielberg réutilise :


celle ou il montre des allemand franchir le mur avant avec un mouvement de caméra à la première personne correspondant à ce que vois James Donovan en passant, avant qu’en fin de film Spielberg fasse un parallèle avec des enfants gravissant un grillage sans problème comme pour dénoncer la différence de situation entre les USA et l’Allemagne, ça à la limite je pourrais comprendre.


Pour le reste, petite question, peut-on crier au patriotisme quand on voit


que le peuple américain exige la peine de mort d’un espion soviétique, qu’un agent du FBI espionne James Donovan pour ensuite l’inviter à prendre un verre afin d’avoir des renseignements et que la famille de Donovan se fait attaquer de nuit parce que Donovan a défendu impartialement Abel, on ne peut pas crier au patriotisme américain.


Ce film dénonce non seulement la méfiance et la paranoïa ainsi que la haine qui en découle, dans les cas les plus extrêmes, entre les deux camps en raison de la course à l’armement nucléaire et des méthodes qu’emploient les deux camps pour s’emparer des secrets de l’autre. Il n’y a qu’à voir


les méthodes et les instructions fourni au groupe d’espion américain ou se trouve Francis Gary Powers, on va même jusqu’à leur donner de quoi se tuer pour ne pas avoir à révéler quoique ce soit aux soviétiques en cas de capture.


En plus de cela, un élément qui fait plaisir à voir : le rythme de ce film prend son temps, à aucun moment on n’a l’impression que ça va trop vite, trop lentement ou qu’on ait l’impression que c’est inégalement réparti entre tel ou tel partie. Cela se voit dans les longs dialogues que partagent les protagonistes,


que ça soit Donovan avec Abel ou on suit une certaine sympathie/amitié se tisser entre eux, Vogel et l’avocat américain, les moments que James passe avec sa famille ou encore la première virée en Allemagne entre les murs avec l’étudiant américain.


Et enfin, ça dialogue beaucoup mais quasiment jamais de manière superficiel, j’aime voir des gens débattre, dans un film, avec leurs avis et des idées construites qui ne sortent pas de nulle part. Que ça soit


pour James cherchant à protéger Abel en proposant au juge de le garder comme prisonnier pour un échange futur au cas ou cela aurait une réciprocité (évidemment, on connait la suite), la crainte qu’éprouve la famille de James à l’idée qu’il défende un ennemi de la nation, la recherche d’un intérêt commun que tente d’impliquer James Donovan par les négociations pour échanger Abel avec les 2 prisonniers américains et les réponses qui en découlent,


ce film est dialogueur, pas sans raison. Sans oublier certaines touches d’humour qui viennent alléger le ton grâce au duo Donovan/Abel ou même Donovan à de nombreuses reprises. Enfin, bien évidemment, difficile de ne pas parler de la scène du pont à Berlin Est dont on a déjà des extraits dans la bande-annonce,


le fameux échange ou l’on voit Abel et Donovan avoir leur dernière conversation et les armes pointés des deux côtés, américains comme Soviétiques. La tension est là (brillant de mise en scène), la performance d’acteur aussi, la musique n’en fait pas trop et même en l’échange se conclure, on ne se dit pas pour autant que c’est finit, qui ne nous dis pas que le gouvernement soviétique ne va pas suspecter Abel d’avoir craché le morceau et le punir injustement ?


En gros, et même si c’est cliché d’acclamer Spielberg parce que je suis ni le premier et surement pas le dernier, je serais sincère : j’ais adoré Le Pont des espions, bien qu’il reste assez conventionnel avec ce qu’il propose comme concept de départ et qu’il n’égalise pas, selon moi bien sur, I.A Intelligence artificielle, Lincoln, La Liste de Schindler ou encore La guerre des mondes. Il surpasse déjà Minority Report, Le Terminal ou Il faut sauver le soldat Ryan, pourtant tous très bon. Ça ne prend pas son public pour un abruti, et quoi de mieux pour mettre en confiance sachant qu’il va collaborer avec le studio aux grandes oreilles pour son retour au divertissement familial l’année prochaine avec Le Bon gros Géant. Allez voir Le Pont des Espions, c’est tout ce que je peux rajouter de plus.

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le 7 déc. 2015

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