De quoi ? Les sept Samouraïs ressort au ciné et on ne me dit rien ? Moi qui suis en pleine découverte de Kurosawa, ça pouvait pourtant pas mieux tomber ! Inutile de dire que dès que je l'ai su, je me suis rué à la prochaine séance. Pour ceux qui auront lu ma critique, je l'ai vu dans la même salle immense où j'avais vu Le Bon, La Brute et Le Truand récemment. Sauf que là on n'était que 5 dans la salle. Les gens savent pas ce qu'ils ratent.


Bon alors. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir raconter dans une critique, qui ne l'ait pas déjà été dans une des 68 critiques déjà existantes ?


Dire que je me suis pas ennuyé un seul instant, alors que bon, j'avais quand même un minimum d'appréhension ?
Rester assis pendant 3h30 dans la salle, je me suis dit je vais avoir envie de pisser au milieu ou un truc dans le genre, j'aurai l'air malin. Heureusement l'entracte était là pour moi. Entracte dont l'arrivée m'a fait penser : "De what ? Déjà 1h30 de passée ? No way!" En fait l'entracte est à 2 heures de film...
Plus sérieusement, il n'y a vraiment pas une seconde à jeter. Le film se déroule sur une période très courte, avec une certaine unité de lieu, d'action, de personnages, et ça l'air de rien, ça joue beaucoup dans l'attachement à l'histoire.


Dire que j'ai adoré les différents personnages, tous impeccablement écrits ?
Comme dans les autres films venus de loin qu'il m'a été donné de voir, il m'a fallu un certain temps pour mémoriser les noms des personnages (c'est pratique les films américains où le héros s'appelle tout le temps John ou Jack, quand même). Mis à part cet écueil dépendant uniquement de moi, j'ai trouvé que tous les personnages étaient tous plus attachants les uns que les autres, chacun ayant sa propre histoire, sa propre complexité, sa propre identité. La richesse et la confrontation de ces différentes sensibilités participe pour beaucoup au charme de l'histoire.
Et puis évidemment, les acteurs sont au poil pour donner vie à ces personnages qui semblent aussi fictifs que vous et moi.


Dire que j'ai trouvé que les différents thèmes abordés étaient très intéressants ?
Parmi ces thèmes, je retiendrai celui de la place que tout un chacun doit occuper dans la société. Les paysans sont des paysans, les samouraïs sont des samouraïs, les bandits sont des bandits. Le film parle du rapport que chacun entretient avec la place qu'il est censé occuper, avec beaucoup de cas de figure présentés.
Kikuchiyo est fils de paysan ? Qu'à cela ne tienne ! Il lui faudra du temps, mais il finira par être accepté comme un égal par les autres samouraïs (comme en témoigne sa sépulture).
Les bandits sont des bandits. Ils doivent attaquer le village, encore et encore, car c'est ce qui fait d'eux ce qu'ils sont. Sans ça, ils n'ont plus rien, ils ne sont plus rien. Alors ils attaquent, jusqu'au dernier, et malheur à celui qui tenterait de s'échapper.
Les paysans sont des paysans. Ils ne sont pas censés se battre, ils sont censés courber l'échine devant les bandits, et c'est à cause de cet état de fait (leur refus de prendre les armes) que l'idée de recruter des samouraïs va s'imposer à eux.
Les samouraïs justement. Un samouraï est censé se battre pour un maître, et ce maître est censé être un noble (type chef de clan), et certainement pas un pauvre cul-terreux défroqué. Mais Kanbei s'en fout, il voit plus loin que le bout de son nez (comme en témoigne son excellente scène d'introduction) et décide de se battre pour la noblesse, pour les faibles et les opprimés. En ce sens, les samouraïs arrivent un peu à sortir du rôle qui est attendu de leur part. Mais tout les rattrape à la fin, quand ils réalisent, en même temps que le public, qu'eux et les paysans constituent véritablement deux mondes à part, qui auront du mal à communiquer et encore plus à se mélanger.
On pourra parler de l'héroïsme, du dépassement de soi, de l'abandon à une cause, de l'humanisme... Tout cela est également traité avec maestria par le sieur Kurosawa.


Dire que la construction du film et son rythme sont exemplaires ?
Le film est articulé en trois actes : recrutement des samouraïs, préparation à la bataille, bataille. Il m'est impossible de décider lequel est mon préféré. Chacun a son charme, ses idées géniales (à titre d'exemple : la caractérisation des samouraïs dans le premier, la cohabitation samouraïs/paysans dans le second, l'esthétisme et l'action dans le troisième). Je rejoins ici mon premier point : il n'y a vraiment rien à jeter dans ce film, pas une seconde n'est superflue, aucune scène ne sert pas l'histoire principale. À ce titre, je serais bien curieux de savoir ce qu'ont pensé les spectateurs occidentaux qui avaient découvert le film dans sa version tronquée lorsqu'ils ont découvert la version intégrale.
Tout au long du film, Kurosawa arrive à mélanger les genres avec le plus grand talent. La légèreté cotoie la gravité, on passe très facilement du rire aux larmes, le tout avec un naturel presque déroutant. Il y a une si grande richesse dans ce film qu'il est quasiment indispensable de le voir plusieurs fois pour en saisir toutes les nuances.


Dire que le film est techniquement et artistiquement irréprochable ?
Il y a la musique, avec ses thèmes entrainants qui reviennent régulièrement, ses petites mélodies légères, ses chœurs masculins qui n'ont pas été sans me rappeler Le Retour du Jedi...
Il y a ces décors, très simples et néanmoins très beaux, le village qu'on devine de toute petite dimension, surplombé par cette colline si menaçante, cette forêt propice aux rencontres les plus improbables (une jeune fille déguisée en homme, un pseudo-samouraï déguisé en bandit...).
Il y a ces plans, dont la beauté n'a d'égale que l'abondance : les bandits qui dévalent la colline, les samouraïs rassemblés dans l'auberge, les sépultures des guerriers tombés, les ombres des arbres portées sur les fleurs blanches, les paysans armés de lances de bambou qui se déplacent tels des bancs de poissons, un samouraï qui apparait au milieu de la brume, une bannière qui flotte au dessus du village, un moulin dévoré par les flammes...
Il y a cette reconstitution minutieuse, comme dans La Forteresse cachée (que j'ai aussi découvert récemment), de toute une époque, avec ses mœurs, ses costumes, son architecture, sa musique...


Expliquer pourquoi j'ai pas mis 10 ?
Déjà il y a le personnage de Shino, que j'ai trouvé passablement agaçant (moins que la princesse Yuki dans La Forteresse cachée, mais tout de même). Alors oui il parait que cette façon de surjouer (présente aussi chez Mifune d'ailleurs) est un héritage de la tradition théâtrale japonaise, que Kurosawa aurait bien voulu donner plus d'importance aux femmes dans son film mais que c'était pas l'idée de la Toho... Quoiqu'il en soit, on reste avec un personnage clairement en deçà de ses compères.
La principale raison qui m'empêche de le noter plus haut cependant, c'est que j'ai trouvé relativement dommage que les bandits ne soient pas plus développés que ça, surtout si on les compare aux deux autres forces en présence (paysans et samouraïs), qui eux ont eu droit à une impressionnante profondeur.


Mais non, je vais pas perdre votre temps ni le mien à vous raconter ce genre de fadaises. Je ne peux que vous conseiller à tous de vous ruer dans la salle obscure la plus proche de chez vous pour (re)découvrir ce petit (gros en fait) bijou cinématographique.

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le 13 juil. 2013

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YellowStone

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