Le principal handicap de Maléfique : Le Pouvoir du Mal réside dans son refus de mettre en scène des corps en proie au désir alors que seul le désir peut expliquer les dynamiques de construction et de destruction à l’œuvre dans le film et qui réunissent ou désunissent des acteurs ici déguisés pour la fête de fin d’année de l’école primaire du quartier. La relation intime censée unir la princesse Aurore à Maléfique n’est jamais palpable, semble constamment remise en cause voire niée par la caractérisation des personnages, et c’est aussitôt tout l’apprentissage – la domestication ? – du premier opus qui passe à la trappe. Comment s’attacher à une histoire centrée sur le conflit entre mère et fille si celles-ci n’éprouvent l’une pour l’autre aucun trouble, si la complexité du sentiment est évacuée au profit du manichéisme le plus abscons ? Comment croire à la passion amoureuse en scrutant le visage terne et mono-expressif de l’actrice Elle Fanning ou d’Harris Dickinson, que nous avons pourtant vu fortement érotisé il y a peu devant la caméra de Xavier Dolan ? ils disparaissent avec les fonds verts, font office de décorum plutôt navrant. Certes, l’époque style néo-renaissance fantaisiste dans lequel se déroule l’intrigue exige une modération des démonstrations affectives, mais à ce point ! Nous ne ressentons rien, et les personnages non plus.


En outre, ce ne sont jamais les sentiments qui conduisent Aurore à éprouver du remords ou de l’affection pour Maléfique, mais seulement la découverte de son innocence par le biais d’une preuve matérielle – elle a la vision du méfait Se substitue donc à la valeur affective la valeur morale et judiciaire. Bien triste réduction qui tue dans l’œuf toute réflexion sur la maternité ou sur les faux-semblants à l’œuvre dans la conquête du pouvoir.


C’est dire que cette suite fait beaucoup de bruit mais réfléchit peu : ses dialogues s’avèrent fort mauvais et plombent les touches d’humour apportées en début et fin de long-métrage. On se demande également comment un univers aussi factice et excessivement sucré duquel est bannie toute peinture du sentiment amoureux peut prétendre tenir un réquisitoire écologiste contre l’exploitation par l’homme de la nature. Il aurait fallu, pour cela, capter de véritables décors ou, à défaut de nature, restituer par l’artificiel un souffle, une tranquillité menacés. En lieu et place, une boursouflure numérique dopée aux plans courts et montés à toute vitesse, ce qui est le propre des grandes productions hollywoodiennes contemporaines, et dont le réalisateur – le responsable du dernier et désastreux volet de la saga Pirates des Caraïbes – est passé maître. N’oublions pas que les enfants ont une attention aujourd’hui fort limitée et qu’il faut stimuler leur rétine toutes les dix secondes : balancez les fées horribles, saupoudrez de fleurs, changez plusieurs fois la couleur de la robe de la mariée (au risque d’en faire une boule à facettes) et vous obtiendrez un public ravi, non pas qualitativement, mais bel et bien collé à l’écran et aux images qu’il fait défiler.


Que retenir de ce second (et dernier ?) volet de Maléfique ? Un peu de positif, tout de même : la qualité de composition de certains plans, preuve que le réalisateur a une certaine vision du cauchemar et qu’il réussit, le temps de quelques scènes brèves, à figurer. La reprise de la partition originale signée James Newton Howard par Geoff Zanelli, qui prolonge les thèmes et en propose de nouveaux. Enfin, un certain sens du spectacle et du spectaculaire qui offre un combat final plutôt bien mené et aux jeux de couleurs intrigants, avec notamment des fumées rouges qui s’échappent des murailles pour former des amas maintenus dans les airs. C’est pas grand-chose, mais c’est déjà ça.

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le 13 janv. 2020

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