Le Kechiche nouveau est arrivé, toujours aussi long, toujours aussi généreux, toujours aussi maîtrisé, toujours aussi beau, poignant. Cette fois-ci, on suit les déambulations du jeune Amin à l'été 1994, étudiant ayant abandonné la médecine à Paris pour se reconvertir dans ses passions de l'écriture et de la photographie. En compagnie de son cousin Tony, les grandes vacances venues, entre plage et bar à Sète, on s'amuse, on rencontre des filles, la famille, les effluves de l'alcool, la fête perpétuelle, la volupté, la sensualité.


Kechiche a une manière unique de filmer les corps, le désir naissant, les courbes. Sans jamais être obscène, il montre pourtant tout dans une célébration de l'amour, un ballet des formes. D’emblée, une séquence de sexe intense entre deux amants, et un troisième larron qui n'est que spectateur, le fameux héros. Tout le monde jouit, sauf Amin. Tout le monde s'amuse, sauf Amin. Tout le monde abuse, sauf Amin. A croire qu'il prend son plaisir différemment, cela est fascinant. A chaque instant de ces près de trois heures de film, on guette l'abandon de ce personnage qui n'est jamais pleinement engagé avec les autres, qui ne fait qu'observer. Cela est montré explicitement dans la première séquence mais par la suite, il parvient à créer l'illusion de participer à la féérie ambiante, pour mieux se soustraire. Au début, son retrait est subtil avant de peu à peu devenir de moins en moins équivoque. Pourquoi ne répond t-il pas aux nombreuses sollicitations des jeunes femmes ? Pourquoi ne profite t-il pas de son indéniable charme, lui qui est beau comme un Dieu ? Tout cela est en suspend, à chacun de se faire son interprétation. Il est peut-être la lumière qui vient éclairer chacun des autres personnages, moins léger mais précieux, qui sait écouter et ne pas se laisser guider uniquement par ses pulsions.


La lumière du soleil, omniprésente donne une identité forte à ce film, qui ne cesse d'irradier. Les corps sont filmés de près, que ce soit pour danser, nager, jouer, manger. Il s'agit d'un envoutement permanent qui submerge peu à peu le spectateur. La beauté est partout, les corps de ces femmes qui offrent leurs courbes à la caméra, ces hommes musclés sortant de l'eau, la naissance d'un petit agneau mis à bas par une brebis, dans une séquence étonnante, filmée de nuit. Tout simplement la beauté de ces acteurs, jeunes, souriant sous le soleil. Une envie d'été, une envie de fête, une envie d'abandon, de caresses. Mais aussi, en filigrane, un besoin de quelque chose de plus profond.

Andika
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le 16 avr. 2018

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