Ne comptez pas sur moi pour user d'expressions machistes pour décrire le courage dont a manifestement fait preuve Jeff Nichols cette fois. Vous ne trouverez donc ici aucune métaphore à base de poils aux mollets et encore moins à propos de la taille des glandes génitales de l'auteur du scénario de Midnight Special.


Car du courage il en fallait pour écrire, réaliser et donner un tel titre à ce film.


Oui, même le titre. La référence à l'intro mémorable de la version cinéma de la quatrième dimension est incontournable, quand on a été comme moi un ado avide d'images dans les années 80, et son utilisation s'avère du coup presque aussi casse-gueule que l'avait été en son temps celle du graal pour le troisième volet des aventures d'Indiana Jones, pour qui avait jusque là baigné dans l'humour essentiel des Monty Python.


Du courage surtout pour mettre en scène une histoire de gamin aux pouvoirs (ou capacités) étranges, car les exemples pas toujours très heureux sont nombreux. Typiquement le genre d'exercice que le moindre faux pas fait basculer du côté nanar. Le talent du metteur en scène le préserve sans surprise d'une telle mésaventure même si on reste souvent sur le fil. Connaissant le cinéaste, on a beau avoir confiance, on est quand même rassurés de ne pas voir le funambule tomber.


Sans doute attendais-je un peu trop du nouveau Nichols. Alors que je considérais son début de parcours comme une trajectoire sans faute doublée d'une montée en puissance singulière, ce Midnight spécial se pose un peu comme un choux périmé au milieu d'un plateau de Cannelé. Le godet de gin-coca entre deux Single Malt. C'est pas que c'est raté, ça fait juste un peu tâche.


En effet, le film souffre à mon goût d'un double défaut de narration.
Si, d'un stricte point de vue diégétique (si si, une définition ludique à 18'51) les ellipses et les non-dits ne nuisent pas fondamentalement à la cohérence de l'histoire (y aurait quand même deux trois points que je serai curieux d'éclaircir), le principal écueil de cette cavale père-fils tient dans ce qu'il ne nous dit pas grand chose d'autre (pour ne pas dire rien) que son strict parcours. Là où le regard du cinéaste sur le fonctionnement de la secte, la NSA ou toute autre aspérité des états-unis en 2016 aurait apporté une deuxième niveau de lecture qui aurait enrichi la trame gentiment SF du film (ce que faisaient précisément ses films précédents), les péripéties se déroulent cette fois en perdant peu à peu en mystère et en épaisseur ce qu'ils gagnent en douce déception.


Les différents clins d'yeux n'y changent rien (Adam Driver évoquant un sabre rouge, par exemple) (je préfère d'ailleurs quand le bonhomme porte un bouc), après avoir effleuré le film de genre (Take Shelter) avant de s'en détourner, Jeff Nichols revient vers la SF, et en n'évitant pas complètement tous les pièges inhérents au genre, il le fait au détriment de l'altitude qu'il avait su maintenir depuis ses débuts. L'entreprise est en grande partie sauvée par la qualité du travail esthétique déployée, et par l'excellence reconnue de sa direction d'acteur. Ce qui est en partie frustrant puisqu'on connaissait déjà ces atouts.


On attendra donc le prochain film de Nichols pour savoir si cette étape constitue une parenthèse dans sa carrière ou l'indice d'un essoufflement précoce qui nous fera encore plus regretter les promesses des trois premiers films lumineux de son auteur.
Pour résister à tel suspens, chantons:


[Chorus]
Let the Midnight Special shine a light on me
Let the Midnight Special shine a light on me
Let the Midnight Special shine a light on me
Let the Midnight Special shine a ever loving light on me.

guyness

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