Il est des films qui ne hurlent pas leur vérité, mais la murmurent avec une telle tendresse qu’on en reste ému bien après le générique. My Two Daddies — ou Any Day Now dans son titre original — fait partie de ceux-là. Travis Fine y signe une ode fragile à l’amour, celui qu’on choisit, celui qu’on défend envers et contre tous, celui qui fait trembler les murs trop étroits des conventions sociales.
Ma note de 7/10 ne reflète pas un désamour, bien au contraire : elle traduit une affection sincère pour une œuvre imparfaite, mais profondément habitée. C’est un film que j’ai accueilli comme on reçoit une lettre écrite à la main : avec émotion, indulgence et reconnaissance.
Le cœur du récit bat autour de Rudy, interprété avec une intensité bouleversante par Alan Cumming. Rudy, c’est la lumière vive d’une humanité blessée, un homme qui chante dans les clubs mais qui se tait quand la société le juge. À ses côtés, Paul, avocat pudique et droit, et Marco, enfant différent, silencieux et infiniment doux. Trois êtres cabossés qui, ensemble, deviennent une famille.
Le film nous emporte dans cette lutte intime et sociale où l’amour ne suffit pas toujours à triompher. Et pourtant… quelle force dans leurs regards, leurs gestes, leurs silences ! La beauté de My Two Daddies réside dans cette délicatesse à peindre l’ordinaire : un repas partagé, une main tenue, une promesse murmurée dans l’ombre.
Alan Cumming illumine chaque scène de sa présence habitée. Son jeu est une incantation : il chante, il pleure, il espère — et on le suit sans réserve. Face à lui, le jeune Isaac Leyva, dans le rôle de Marco, irradie d’une pureté déchirante. Il ne joue pas un rôle, il est. Et cela suffit à nous désarmer.
Mais si l’émotion affleure, c’est parce que le propos la porte haut. Dans l’Amérique des années 70, aimer "hors cadre" est une faute, élever un enfant sans être "conforme" relève du combat. Et le film, sans crier, dénonce. Sans accuser, il questionne. Il ne fait pas de procès, mais il tend un miroir — et ce reflet nous interroge encore aujourd’hui.
Malgré cette intensité émotionnelle, My Two Daddies souffre d’une certaine timidité formelle. La mise en scène, trop sage, trop linéaire, peine parfois à capturer l’ampleur du drame. Quelques longueurs brisent l’élan, et certains personnages secondaires manquent d’épaisseur. On aimerait une caméra plus audacieuse, des dialogues plus affûtés. Le film n’est pas un cri, mais un soupir – et parfois, il aurait mérité de hurler.
Pourtant, malgré ses hésitations, My Two Daddies m’a profondément touché. Il m’a rappelé que l’amour, le vrai, celui qui se choisit et se construit, peut être à la fois douceur et résistance. Ce n’est pas un film qui s’impose, c’est un film qui s’offre — avec ses maladresses et sa beauté simple.
En quittant l’écran, j’ai ressenti cette étrange chaleur mêlée de tristesse que seuls les récits sincères savent provoquer. Et c’est pour cela que je le recommande : pas pour sa perfection, mais pour son humanité.