Le cadre des premières secondes étouffe déjà le public et cette mère de famille, visiblement emportée dans le tourbillon d'une journée capitale, et surtout, essayant de faire entendre raison à un fils buté et fermé.
Elle est inquiète, les yeux vifs, le visage sombre. Tout le contraire du lieu dans lequel elle se rend. Un lieu de justice ouvert à l'architecture moderne, transparente et aux formes rondes.
L'instant de la confrontation se rapproche. Avec son fils, plus que jamais opposé à toute tentative de dialogue. Avec un agresseur ensuite, alors même que ses enfants avaient passé une lettre au juge en indiquant qu'ils ne voulaient pas le voir.
La crise couve, à fleur de peau, voisine de la peur. Les enfants sont vite invités dans une autre salle à l'écart de leur mère, avec le représentant de leurs intérêts. Désormais hors-champ, ce sont maintenant une mère, un père, et leur conseil respectif qui sont entendus tour à tour. Quant à la juge, elle s'efface de l'échange et de l'oeil de la caméra.
Pour laisser place à un rituel de la parole bien huilé, comme en coupe réglée. Chacun s'inscrit plein cadre dans son discours. Mais avec, toujours, au cœur des débats, cette mère et les faits reprochés. Un mariage qui prend l'eau, comme beaucoup dans la vraie vie, puis une judiciarisation des abus. Une normalisation du discours déshumanisante pour parler de l'indicible.
Mais il y a toujours cette mère au centre des débats et de ce bureau épuré à l'extrême et d'une blancheur clinique.
Et surtout, il y a ses yeux : inquiets, apeurés, brillants de ses émotions contenues face aux accusations et aux sorties de route verbales et aux demandes incongrues. Humides de larmes qu'elle a longtemps la force de retenir.
Et puis il y a toute cette variété de réactions, d'un langage corporel parfois infime sous le prisme d'un cinéma qui ne peut que tout capter. Ici un mouvement de tête, là une larme fugace coulant sur la joue. Des lèvres qui se pincent. Ou encore un sourire de dépit et un très léger tremblement à l'idée de se voir retirer ses enfants.
Toute la vérité de l'actrice est là, en totale immersion dans son rôle, tout comme le personnage qu'elle incarne comme en apnée face à l'adversité et cette justice imperturbable qui fait peur. Et dans un total abandon. Une incarnation débordante de naturel et de véracité, dans un huis-clos soulignant toute l'absurdité d'un système qui pense pourtant bien faire.
On ressort de ce bureau le souffle court, éreinté et à bout de force. Avant de subir une ultime charge de bulldozer, aussi surprenante qu'effroyable, incarnant toute l'âpreté d'un conflit familial comme tant d'autres au bout du compte.
Et après être sortis de ce tribunal, cette épreuve laissée derrière soi, un éclat de rire, un enregistrement sur un téléphone portable. Et enfin ces mots, que l'on a désiré entendre soixante-dix-huit minutes durant, et dont on avait finalement fait le deuil devant cette image de la justice qui marche parfois sur la tête :
« On Vous Croit ».
Behind_the_Mask, pour qui la justice n'est pas seulement aveugle.