Dès les premières images nous nous sentons irrémédiablement happés par la virtuosité des images, le jeu d'ombre et de lumières qui couvrent et découvrent les protagonistes, les nimbant d'une ambiance feutrée et oppressante où la moiteur transpire au sein de chaque plan. Au delà de cette beauté insalubre et quasi lubrique nous pénétrons dans un univers déroutant, où le réalisateur se joue de nous perdre, nous laissant errer à l'image de ces personnages, reflets de ces individus apatrides sombrant peu à peu dans les limbes d'une ville à la moiteur oppressante. L'absence d'explications laisse place à la spéculation qui devient une obsession, le spectateur traquant l'indice au détour de chaque plan éprouvant le besoin quasi frénétique de scruter l'écran comme si de plus de ténèbres pouvaient naître la lumière. C'est ainsi que surgit le personnage de Crystal qui vient rompre avec l'univers poisseux des bas fonds que fréquente Julian.
Cependant si cette apparition nous éclairera sur la relation qu'entretienne/entretenaient les personnages entre eux, elle va également participer à leur opposition. En effet sous nos yeux va se développer la relation mère/fils de Julian et de Crystal, relation profondément instable et oedipienne. La tension va ainsi naître au détour de chaque plan, de chaque bribe de conversation avortée, à l'image de l'existence de Julian, enfant non désiré qui lui même malgré son physique se retrouve incapable de désirer. Incapacité sentimentale mais également physique, en effet malgré sa proximité avec la prostituée qui l'accompagne, il se retrouve encore spectateur d'un plaisir qu'il ne peut obtenir. De là semble naître son
abnégation pour sa mère, objet de désir qui l'aime et le manipule, lui faisant caresser le désirer de lui accorder une quelconque affection (son frère décédé demeurant le favoris). Au delà du désir latent s'exprime également un sadisme profond où la violence physique est de loin surpassé par la violence morale. En effet Julian préfère se battre contre cette entité quasi légendaire qu'est le capitaine de la police plutôt que devoir affronter les ires de sa mère, déjà précédemment effleurées lors d'une scène de dîner particulièrement humiliante. Nicolas Refn Winding nous offre ainsi un film à l'inconfort latent où l'errance, le désir, et la violence se mêlent à la beauté magnétique des images pour nous offrir une réflexion sur la maternité et la filiation. Entre Eros et Thanotos, Julian louvoie dans les dédales d'une Bangkok suintant l'insécurité, la drogue et la mousson offrant au spectateur la vision d'une violence esthétisée jusqu' à l'extase.

Le jeu des acteurs est impeccable, notamment celui de Ryan Gosling et Kirstin Scott Thomas qui nous offre un duo magnifique, tout en nuances et en oppositions. Le seul bémol demeure à mon sens le chant de victoire de Chang qui casse le rythme et la tension si brillamment instaurés auparavant. Un film déroutant et audacieux qui dans mon cas m'a demandé du recul pour l'apprécier.
MaDMka
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le 11 juil. 2013

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MaDMka

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