L'appât du mal
Certains longs métrages laissent une trace indélébile dans l’esprit du spectateur. Des films qui épuisent leur forme réaliste pour s’engouffrer dans une dynamique du fantastique et toucher de près la...
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le 2 mai 2014
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Ohlolo quelle galère... Moué en tant que boomer confirmé certifié rang S ceinture noire il m'a pris l'envie de revenir aux fondamentaux : le wawa, le réréz', le warez. Mais que ne fus-je point pris au dépourvu, lorsque l'Ehpad fut venu. Eh vas-y qu'c'est dev'nu une galère depuis Hadopipi, les plateformes d'arnaque à la demande et le déclin des torrents aidé par des interdictions françaises de sites web des internets bien d'chez nous [à croire que le pays n'a jamais inventé ni n'a jamais connu la liberté, c'est pourquoi il y aspire autant qu'à l'égalité et à la fraternité dans sa devise]. Me retrouve-je donc à la fin d'la journée à trouver le sésame - ouvre-toi - pour enfin chromecaster mon fichier en hardsub, pas FR, mais l'anglais fera l'affaire. Entre temps dans ma quête du Graal j'ai paumé un beau fichier restauration 4k tendrement chocolat, édition Canal je crois, malheureusement pas subbed et comme le chromecast prend pas en charge les sous-titres "en soft", j'étais marron. Trop tard, j'vais pas m'inventer une vie d'ingé informatique qui respire le NAS aux 1000 miyards de Terabytes.
Et le soir parvenu, lorsque la bise ni la baise ne furent venus, je suis enfin prêt à le voir en entier, pas en petits bouts sans sous-titres comme je l'ai fait au cours de la journée. Et comme mon cerveau s'arrange pas j'ai loupé quelques lignes de dialogue (comme quand j'essaie de draguer) et j'étais pas bien avancé sur le fond de l'affaire. Et heureusement que les sous-titres étaient là car c'est de prime abord pas évident de naviguer dans cette temporalité étrange où point l'Ehpad mais l'HP semble rattraper les persos du couple malformé. Un plan barbe de quelques jours et cernes marquées dans une prostration grabataire, l'autre plan qui suit glabre, frais comme un gardon, prêt à repartir arnaquer la veuve et l'orphelin en costard-suitcase. C'est à s'y méprendre, à n'y rien comprendre, jusqu'à ce que ça vrille dans l'horreur explicite du body horror ensanglanté, puisqu'alors il n'y avait que le sexe qui pouvait l'être, explicite, du moins dans l'érotisme. Une confirmation de la nature horrifique, après ce qui semblait être un film de couple déviant, un Marriage Story gueulard et sanguinolent servi par des outrances dans le jeu, les expressions faciales, les musiques kitschissimes évoquant la Soupe aux choux, ou la Soupe aux ch'touilles comme moi et ma frustration (magazine) aiment bien le rappeler. Parce que oui là le fond de l'affaire c'est les coucheries extra-conjugales, les Sean Coucheries auprès de Brad Bites peu ordinaires. Du coup ça permet à Adjani de déployer tout son répertoire thêatral d'exaltation, d'exultation et de MACRO-EXPLOSION. L'apogée étant cette scène de cris à plein poumons dans les couloirs du métro (où tu marches comme un robot comme dirait Antisaucisse tu perds ton pastis) qui m'ont fait cringer de me faire SWATer par mes voisins, entre 2 scènes de sesque auditivement démonstratif qui leur ont certainement confirmé que oui, j'étais un gros vicié. Parce que oui on est clairement dans l'Erorror (ou l'Horrorotic), Eros et Thanatos et compagnie, tmtc tu connais. Comment alors ne pas penser à The Substance, à voir la gueule d'Adjani sous tous les angles les 3/4 du temps, on pense forcément au joli minois de l'autre brune des States. Mais ça s'arrêterait presque là, car dans le ton et la dramaturgie on est quand même plus proche d'un Antre de la folie (à revoir) ou d'un Schizophrenia, surtout pour la sensation de désorientation, avec une atmosphère oppressante dégueulasse de tueur en série à la Golden Glove.
Mais enfin ce n'est pas tout. Si tout paraît si emphatique, grave comme un Bergman qui dissèque le couple pour à jamais nous en vacciner, et si tout paraît en même temps si décalé, trop gros pour être vrai, c'est que le montage lui aussi fait dans les gros sabots. En 2 heures on ne prend pas forcément le temps de faire durer les plans, on t'enchaîne fissa 2 scènes dépareillées alors qu'un plan macabre aurait pu durer. On t'enfile une glauque et une banale, une scène de cauchemar et une scène de salle de bain dans le plus grand des calmes, sans transition, avec cuts abrupts, souvent perturbants parce que presque amateurs alors que l'effet est tellement répété que c'en est une volonté artistique, une "licence poétique". Dans cette volonté de brouiller, de ne pas trop laisser reposer, de créer du questionnement, de créer une intrigue-énigme secondaire de l'homme aux chaussettes roses, de faire cohabiter des modèles AOC et des grand-remplaçants sans donner d'éléments jusqu'à une fin semi-ouverte semi-fermée, il y a de quoi y voir du Lynch, mais alors du Lynch soft hein, pas du tarabiscotté imbitable.
Possession c'est un peu tout ça, du beauf tapageur qui casse la baraque, du kitschos' coupe mulet édenté, de la folie douce-amère âpre et âcre, du drame de couple cishet monogame incapable de se conformer aux standards du modèle dominant, sur fond d'emprise et d'étouffement induits par l'écrasante responsabilité de maintenir debout et vivant l'idéal de la famille avec enfant.
7,5.
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Créée
le 16 oct. 2025
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