On ne peut nier que Dan Trachtenberg est un réalisateur audacieux qui ne se contente pas de se calquer sur une formule fonctionnelle. Pour son troisième film dédié au Yautja, après le plus primitif Prey, et l'anthologie animée Killer of Killers, le cinéaste propose une nouvelle incursion dans la mythologie du chasseur extraterrestre en en faisant le protagoniste du scénario de Badlands. On apprécie ces différents angles, très certainement inspirés de tout le lore développé dans les comics depuis 25 ans. Dans ce film, le Predator devient la proie de diverses créatures extraterrestres, des coutumes impitoyables de son clan, et de la fameuse compagnie Weyland-Yutani, toujours à l'affut de prouesses technologies à commercialiser. Il n'est alors pas vraiment question de survival horrifique, mais plus d'une aventure de SF et d'action un peu brutale par endroit, s'enchaînant efficacement dans un esprit Mad Max.
Le pari de nous faire suivre cette espèce honnie par Dutch lui-même fonctionne grâce à une écriture qui met en avant ses coutumes primitives, sa soif de challenge, tout en soulignant son haut développement technologique. On prend alors pour sympathie ce jeune Yautja, jugé faible et condamné par sa famille, précipité sur une planète hostile en quête d'un trophée qui légitimerait sa force prédatrice. Au niveau du design visant à l'humaniser, un peu rebutant de prime abord, l'équipe en charge des costumes et du maquillage a tout de même réalisé un beau travail pour garder les caractéristiques aliens. La majeure partie du visage est en motion capture et, même si cela ne remplace pas la monstruosité tangible de prothèses faciales, il y a certains plans très photo-réalistes qui donnent l'illusion, surtout sur un budget de moitié de celui des grosses productions. À la photo, Jeff Cutter capte également de beaux plans larges, combinés avec des matte paintings numériques qui soulignent l'hostilité des ces planètes extraterrestres. Trachtenberg sait jouer avec sa caméra via différentes focales pour créer l'immersion et le réalisme, en dépit de lumières qui demeurent parfois trop artificielles et adoucissent l'esthétique de la pellicule.
Néanmoins, pour rappeler l'ambiance sauvage inhérente à la franchise, on peut compter sur la bande-son co-composée par Sarah Schachner, qui ramène les sonorités plus brutes et viscérales de Prey (proto-instruments, percussions tribales, voix diphoniques), et Benjamin Wallfisch, aux techniques plus modernes et classiques qui font échos à Holkenborg sur l'action, et parfois même les expérimentations Sardaukar de Zimmer dans Dune. Cela colle au setting alien et menaçant de l'action où le Yautja, tantôt traqueur, tantôt traqué, est contraint de s'adapter et utiliser son environnement pour triompher. Laisser le Predator se débrouiller seul et immerger totalement le spectateur dans cette culture des clans et ces autres mondes aurait été une vraie gageure. Malheureusement, le scénario lui colle un binôme via le gynoïde synthétique joué par Elle Fanning, pour une touche plus "humaine" familière. Si l'actrice accomplit sa partition, ses répliques sont vraiment navrantes. On tiquera également sur la créature mignonne et humoristique qui parasite régulièrement l'aventure.
Cela étant, ces écueils n'empêchent pas d'apprécier ce pari original de Trachtenberg qui revisite à nouveau ce monstre culte du 7ème Art. Predator: Badlands n'est pas aussi barbare que ce que l'on attend d'un film issu de cette franchise, mais il propose un bon film de SF, ponctué de férocité et d'inventivité dans l'action tout en imageant davantage les rites mystiques sociétaux du Yautja.