Avec Rapaces et son féminicide inaugural largement inspiré de l'affaire Elodie Kulik, il est permis de penser plus d'une fois à ce que Dominik Moll avait pu illustrer avec La Nuit du 12.
Mais cette fois-ci, du mauvais côté de la barrière de l'enquête. Pas celui de flics ou de gendarmes de province, rincés et obsessionnels. Plutôt celui que l'on pourrait considérer comme la lie du journalisme, satisfaisant les pulsions voyeuristes de son électorat, usant de méthodes révulsantes afin de pénétrer l'intimité des victimes et de leurs proches.
Au point que le titre de l'oeuvre semble tout d'abord qualifier ces "journalistes" qui n'en ont que la carte de presse, ainsi que leur exploitation de la détresse.
Cependant, au-delà de cet aspect peu réjouissant, Rapaces mène un début de réflexion sur le métier, et, plus généralement, sur le secteur de la presse papier qui se meurt, tout comme son aura de plus en plus marginale à l'ère du tout numérique.
Cette fracture, c'est aussi celle, en filigrane et en zone grise, d'un père et d'une fille qui veut recoller les morceaux, mieux le connaître, partager son goût du reportage et de l'abnégation. Car ce qui n'était encore qu'un énième fait divers revêt peu à peu les atours d'une véritable enquête dont les ramifications vont bientôt déborder le duo.
Sans esbroufe ni recherche de l'effet choc, dans un retour à une campagne à l'accent suranné rechignant à prendre le virage de la modernité, le réalisateur, Peter Dourountzis, parfume son effort avec de plus en plus de tension et de suspens, culminant en un duel silencieux et apparemment sans issue dans une gargote. Le tout dans une redoutable efficacité. Et le mot "rapaces" de glisser lentement dans sa signification pour qualifier cette fois-ci les agresseurs, le collectif qu'ils forment , leur connaissance du terrain et le contrôle de leurs relations.
Rapaces plonge ainsi à corps perdu dans la folie des hommes et de leur volonté de contrôle, tout en nous immergeant dans un milieu peu traité au cinéma. Le tout sous l'angle d'une relation père/fille fragile, dont le seul véritable défaut est de rester en surface, à l'image d'une fin d'aventure un peu précipitée et trop idyllique pour être totalement convaincante.
Une maladresse, certainement, mais qui n'enlève rien à l'intensité et à la nuance d'un film qui ne juge pas le milieu qu'il met en image, tout en ouvrant la réflexion quant à l'appréhension de la violence, la question de sa résonnance et de la couverture médiatique qui en est faite.
Un thriller qui a oublié d'être idiot, voilà ce que Rapaces a sans doute de plus précieux.
Behind_the_Mask, qui ne comprend pas pourquoi les faits ne se produisent qu'en hiver...