Un très bon film noir à la française

Réalisé en 1957 à un moment où la Nouvelle Vague commence à pointer le bout de son nez, le film se fait assassiner par François Truffaut dans une critique au vitriol parue dans la revue Arts et Spectacles. Son classicisme le rejette dans la sombre et honteuse catégorie du « cinéma de papa » : des films qu’il était hors de question de voir pour le jeune fan de Godard que j’étais.

Le voir aujourd’hui dans la très belle édition proposée par Coin de mire dans la collection « La séance » permet, une fois de plus de remettre les pendules à l’heure et de faire mon mea culpa.

Si la réalisation de Denys de la Patellière n’est pas des plus inspirée, si elle imite beaucoup les grands classiques du film noir américain, elle n’en est pas moins fort bonne et comporte des cadrages réussis, ainsi qu’un très beau noir et blanc.

Le film nous tient en haleine du début à la fin, Michèle Morgan est tout à fait convaincante en femme fatale, les dialogues de Michel Audiard, bien que particulièrement détestés par Truffaut, sont excellents dans leur genre, comme cet échange entre Robert (Daniel Gélin) et Hélène (Michèle Morgan) :

Robert : Saloperie !

Hélène : C’est une injure ?

Robert : Saloperie !

Hélène : Ne gaspillez pas ce mot. Il pourrait vous servir. Moi, on me l’a toujours dit comme un mot d’amour.

Aucune raison de crier au génie, certes, mais du classique bien mené et élégamment photographié par Pierre Montazel : un très bon film noir à la française.

Pour la petite histoire on notera qu’il s’agit du premier vrai rôle d’une certaine Jocelyne Mercier - qui devient ici Michèle Mercier, prénom d'actrice choisi par Denys de La Patellière en l'honneur de sa très célèbre partenaire Michèle Morgan - et que les extérieurs de la superbe villa du film ont été tournés dans les jardins de la villa Ephrussi de Rothschild à Saint-Jean-Cap-Ferrat.