On ne va pas se mentir: Rocky IV ne raconte presque rien, ce qui en fait un épisode résolument à part dans la saga. En effet, chaque opus se caractérise par sa volonté de donner une leçon de vie, des conseils simples mais d'une implacable justesse où résonnent générosité, droiture et ténacité.


De cette fibre initiatique, il ne reste pas grand chose dans Rocky IV qui est avant tout une histoire de vengeance d'un classicisme confondant. Le manichéisme politique si vivement critiqué, aussi bien à l'époque de la sortie qu'aujourd'hui, n'est rien d'autre que du décorum, un show tape-à-l’œil comme le film lui-même semble en faire la critique lors du match opposant Creed à Drago.


Il serait en effet dommage d'oublier l'aspect métaphorique de la saga Rocky, déjà abordé dans mes précédentes critiques. Et cet opus partait d'ailleurs d'une idée intéressante, encore une fois directement inspirée du monde de la boxe : Sylvester Stallone voulait parler de boxeurs qui cessaient d'être de simples sportifs pour devenir les symboles de deux visions opposées du monde, à l'instar des confrontations entre Max Schmelling, champion poids lourd de l'Allemagne nazie (mais pas sympathisant pour autant), et Joe Louis, champion afro-américain.


Il eût été intéressant de voir un Rocky manipulé par son pays pour servir une propagande anticommuniste qui le dépasse mais Stallone ne fait finalement pas grand chose de cet ambitieux point de départ. Pire, il ne parvient pas davantage à raconter quoi que ce soit concernant la vie intime de son héros, noyau indéboulonnable de la saga ! En un mot comme en cent: Rocky IV propose un scénario famélique. Le film n'excède d'ailleurs pas 1H30, durée artificiellement étirée par plusieurs clips musicaux !


Et pourtant, ça marche.


Demandez autour de vous quel est le meilleur épisode de la saga, et l'on vous donnera souvent une réponse imbibée de vodka et de sociologie marxiste. Si cette opinion ne fait certes pas la démonstration du bon goût des cinéphiles amateurs, il faut avouer que Rocky IV est un concentré de fun et d'efficacité, un spectacle d'une puissance telle qu'elle frise l'orgie testostéronique. Au pinacle de son succès, Stallone renonce temporairement à la crédibilité tourmentée de ses personnages fictionnels et divinise purement et simplement aussi bien Rambo que Rocky qui s’abattent, tels la faucille et le marteau, sur le divertissement hollywoodien de cette année 1985.


Comment résister par exemple à cette incroyable séquence d'entrainement, plus sauvage et intense que jamais ? Tirée en longueur aussi, certes, mais cela permet à Stallone de s'essayer à un autre type de narration, purement bestiale, ce qui a toujours fait partie de l'ADN de la saga, derrière les atermoiements et autres problèmes familiaux.


Cette fois, tout est plus direct, le public doit ressentir avec ses tripes ce qui était autrefois expliqué dans de longues séquences de dialogues. Ainsi, pour montrer le mal-être et la nostalgie de Rocky, quoi de mieux qu'un vrai bon clip à la sauce MTV de "No easy way out" (meilleure chanson de la saga en ce qui me concerne) ? Les puristes crieront au scandale et il est vrai que cette séquence ressemble à un nouvel aveu d'échec scénaristique. Pourtant, on ne peut pas retirer à Stallone cette volonté d'expérimenter, d'innover et d'adapter son œuvre à son époque.


Peu subtil, plus brutal que jamais, Rocky IV n'est pas pour autant le film débile que certains se plaisent à décrier. Le commentaire final, impitoyablement moqué, est bien un appel à la paix et non une évangélisation capitaliste, l'idée étant que les confrontations entre les peuples devraient rester sportives et donc purement symboliques, épargnant ainsi la vie de millions d'innocents.


Naïf ? Sans doute, mais il y a là-dedans un peu de l'idéal olympique de la Grèce classique, ce qui ne peut que me plaire. Alors non, je ne pense pas que cet opus soit le meilleur de la saga mais je l'ai apprécié comme un très bon divertissement, un peu maladroit mais authentique et foutrement cool. Le match opposant l’Étalon italien au Cyborg russe restera comme l'un des plus grandioses combats de gladiateurs de l'histoire du cinéma, faisant de Rocky IV un inattendu péplum moderne.


Épopée Rocky:


Rocky: https://www.senscritique.com/film/Rocky/critique/219121374


Rocky II: https://www.senscritique.com/film/Rocky_II_La_Revanche/critique/219165595


Rocky III: https://www.senscritique.com/film/Rocky_III_L_OEil_du_tigre/critique/116344628


Rocky V: https://www.senscritique.com/film/Rocky_V/critique/222583800


Rocky Balboa: https://www.senscritique.com/film/Rocky_Balboa/critique/29214257

Amrit
6
Écrit par

Créée

le 13 juin 2020

Critique lue 400 fois

6 j'aime

4 commentaires

Amrit

Écrit par

Critique lue 400 fois

6
4

D'autres avis sur Rocky IV

Rocky IV
zombiraptor
7

Assassine Creed

T'as pas mal ! - J'ai pas mal ! Si vous voulez considérer la toute puissance de Balboa, dites-vous que Rocky c’est ce boxeur qui part dans l’est enneigé en pleine guerre froide pour...

le 8 août 2016

57 j'aime

33

Rocky IV
Matrick82
5

"J'ai envoyé plus d'hommes à la retraite que la sécurité sociale"

Sans déconner j'aime beaucoup "Rocky 4". Sérieux. Tout d'abord c'est le 1er Rocky que j'ai découvert. Et sans même avoir eu le temps de m'attacher au personnage ou à l'univers j'avais déjà commencé à...

le 28 juil. 2014

49 j'aime

9

Rocky IV
Pravda
6

Sly chez les soviets

Nous retrouvons Rocky Balboa bien loin du prolo que nous avions suivi dans le premier opus et les bas quartiers de Philadelphie ont laissé la place à une sorte de mini manoir immonde, à la décoration...

le 11 févr. 2015

45 j'aime

17

Du même critique

Lost : Les Disparus
Amrit
10

Elégie aux disparus

Lost est doublement une histoire de foi. Tout d'abord, il s'agit du sens même de la série: une pelletée de personnages aux caractères et aux buts très différents se retrouvent à affronter des...

le 8 août 2012

230 j'aime

77

Batman: The Dark Knight Returns
Amrit
9

Et tous comprirent qu'il était éternel...

1986. Encombré dans ses multivers incompréhensibles de l'Age de Bronze des comics, l'éditeur DC décide de relancer la chronologie de ses super-héros via un gigantesque reboot qui annonce l'ère...

le 3 juil. 2012

98 j'aime

20

The End of Evangelion
Amrit
8

Vanité des vanités...

Après la fin de la série, si intimiste et délicate, il nous fallait ça: un hurlement de pure folie. La symphonie s'est faite requiem, il est temps de dire adieu et de voir la pyramide d'Evangelion,...

le 21 juil. 2011

91 j'aime

5