Le voilà, le mal aimé, l'incompris, le rejeté. Qui vous regarde avec l'air bovin de Tommy Morrison, boxeur dans la vie comme dans la fiction - sous le subtil sobriquet de "Tommy Gunn". Voilà le film qui ne fait rien de ce qu'on attendait de lui. Et rien que pour ça, il mérite peut-être qu'on se penche sur son cas.



  1. Après avoir atteint le sommet de la gloire dans les années 80, Stallone commence à connaitre un succès plus mitigé, constellé de francs ratages critiques et publics à l'instar des deux comédies qu'il s'apprête à tourner, les "admirables" L'embrouille est dans le sac et Arrête ou ma mère va tirer... C'est dans cet étrange entre-deux que débute une guéguerre d'égo contre Arnold Schwarzennegger qui sera la vraie action-star des 90's. Comme d'habitude, la nouvelle aventure de Rocky aura un léger parfum métaphorique qui rappellera le parcours de Stallone.


L’Étalon Italien s'est fait défoncer la gueule une fois de trop. Le marteau russe Drago a cassé quelque chose en lui. La mort rôde, demandant le sacrifice de la boxe pour retarder son inéluctable échéance. Mais qu'est-ce qu'un boxeur qui ne peut plus monter sur le ring ? Moins qu'un homme si l'on en croit les déclarations passionnées des précédents films. La tentation d'un nouveau combat se fera bien sentir mais Adrian veillera à la sécurité physique de son mari...


Si l'on rajoute à cette triste perspective la faillite financière de Rocky, on peut comprendre la réaction de rejet du public confronté à un héros diminué alors qu'il semblait encore invincible durant l'épisode précédent. Sous prétexte d'un retour aux sources, Stallone entreprend un virage à 180° qui fut largement interprété comme une régression. Il faut voir le boxeur redevenir brusquement bavard et retrouver la gestuelle chaotique des deux premier films, comportements qu'il avait presque totalement perdus en devenant riche. "Papa est bizarre", remarque le fiston. "Oui, mais, c'est normal, papa a des lésions au cerveau et donc ça le fait redevenir comme avant. D'ailleurs regarde, papa remet les vêtements qu'il portait il y a 15 ans. C'est pas mignon ?"


Tout cela sonne évidemment un peu faux et arrive trop rapidement, trop maladroitement. Et pourtant, l'idée est loin d'être une hérésie.


Tout avait été dit au sujet des grands combats de Rocky. Le dernier épisode de la saga (car Rocky V avait été pensé comme tel) se devait de proposer autre chose. Revenir sur la vie familiale du héros, sur sa psychologie, sur les interactions entre les personnages, bref, renouer avec les recettes dramatiques du début de la saga était la manière idéale de la terminer. Nul besoin d'un nouvel adversaire stéroïdé, d'une énième séquence d'entrainement et d'un duel de titan en guise de conclusion - comment faire mieux que Rocky IV en ces domaines ? Il fallait changer. Quitte à décevoir.


De nombreux sujets sont donc abordés dans cet épisode un peu étrange. Trop nombreux. Entre la déchéance de Rocky, sa relation avec Adrian, la révolte de son fils, son rôle de coach avec Tommy Gunn... Stallone est dépassé par sa narration, parvient à livrer quelques perles (comme la flashback avec Mickey, ou le transfert de Rocky sur son poulain au moment du match de ce dernier à la télé) au milieu de scènes plus poussives. Déséquilibré, le film ne perd pourtant jamais la sincérité qui caractérise chaque opus de la saga.


La thématique principale, la transmission, offre de jolies pistes de réflexion. Le plus important pour Rocky n'est finalement pas les techniques qu'il peut apprendre à un jeune boxeur mais bien les leçons de vie qu'il peut partager avec son fils. La boxe n'aura finalement été qu'une parenthèse, certes importante, dans le vie de cet homme. Une série d'épreuves initiatrices qui lui permettront de conseiller son fils, de le soutenir, de le faire grandir, à condition d'accepter le sacrifice ultime, celui de la boxe, acharnement qui a bien failli lui faire perdre ce qui comptait vraiment pour lui.


L'ultime séquence du film prend ainsi tout son sens: l'escalier que Rocky grimpe en compagnie de son fils n'est plus le mythique symbole de son triomphe sportif mais bien une simple voie d'accès au Museum of Art de Philadephie. Étonné, l'ancien boxeur confie au garçon qu'il n'avait jamais su ce qu'était vraiment ce bâtiment.


C'est une nouvelle vision du monde qui inaugure en toute discrétion une nouvelle vie, un nouvel homme.


Épopée Rocky:


Rocky: https://www.senscritique.com/film/Rocky/critique/219121374


Rocky II: https://www.senscritique.com/film/Rocky_II_La_Revanche/critique/219165595


Rocky III: https://www.senscritique.com/film/Rocky_III_L_OEil_du_tigre/critique/116344628


Rocky IV: https://www.senscritique.com/film/Rocky_IV/critique/221980430


Rocky Balboa: https://www.senscritique.com/film/Rocky_Balboa/critique/29214257

Amrit
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le 12 juil. 2020

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Amrit

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