L'apocalypse selon "Maison du Monde"

Disons-le d'emblée. Le concept de "Sans un bruit" est génial. Faire un film dans lequel le moindre bruit dépassant les 15 décibels est capable de rameuter une créature prête à vous dépecer est forcément propice à créer des scènes d'un suspense haletant. Un truc comme dans "Le Salaire de la peur" où le moindre relâchement peut s'avérer mortel.

Mais malheureusement, la qualité d'un film ne repose pas seulement sur son concept, aussi cool soit-il. Le film est composé de nombreux petits défauts, pas si graves, mais qui viennent malgré tout ternir l'expérience globale du film.

Parmi ces défauts, on peut citer notamment la vision presque glamour de cette vie post-apocalyptique. La population humaine est décimée, le moindre bruit peut vous tuer, mais cette gentille famille américaine vit comme dans un catalogue "Maison du Monde". Le film semble presque idéaliser ce retour à "une vie simple", un peu à la manière d'un riche Parisien qui achète une vieille ferme en Ardèche pour pouvoir faire pousser des courges butternut qui nourriront son feed Instagram entre deux photos de "buvage de thé sous un plaid en regardant par la fenêtre" et de "petit-déjeuner fromage blanc fraises, bananes, et graines de chia". Ainsi, malgré la fin de la civilisation occidentale, Jim Halpert et sa famille continuent leur petite vie Instagrammable sans oublier de garder des traditions familiales très "American Life". Prier, manger en famille, apprendre à son fils à pêcher pendant que la femme étend son linge en extérieur. Et ce mode de vie #bobochic en plein apocalypse vient forcément avec son lot d'incohérences venant questionner l'aptitude de cette famille à survivre plus de 400 jours dans un tel monde. Par exemple, au lieu de passer ton temps à installer des guirlandes de Noël sur ta terrasse, à mettre en place un système complexe de vidéosurveillance et à étaler du sable (sorti d'on ne sait où) sur des dizaines de kilomètres, peut-être serait-il judicieux d'insonoriser ta maison immense et d'y rester cloîtré 23 heures sur 24 (au lieu de faire des balades et des lessives, là). Et d'ailleurs, pourquoi ne pas choisir une maison plus moderne, plus petite, mieux isolée, sans parquet qui grince et clous qui dépassent ? Pourquoi est-ce que vous vous éclairez à la bougie et à la lampe à huile, alors que vous avez visiblement de l'électricité illimitée pour alimenter les écrans de surveillance et les 800 mètres de jolies guirlandes lumineuses ?

La qualité d'un film de survie tient surtout dans sa capacité à questionner le spectateur sur ce qu'il ferait dans de telles circonstances. Et sur ce point, "Sans un bruit" rate à peu près tout.

À cela, j'ajouterai une mise en scène un peu trop démonstrative, malgré quelques bonnes idées.

Voilà.

PS : C'est moi ou toutes les bestioles de tous les films des 15 dernières années font le même bruit ? Cet espèce de rugissement strident suivit d'un cliquetis qui fait : "KYAAAAAAH ! KH-KH-KH-KH-KH !"