La nouvelle lubie de Mamoru Hosoda, c'est de reprendre des mythes que tout le monde connaît, comme celui de la Belle et la Bête, puis d'y apporter une touche de modernité pour raconter quelque chose de nouveau. Dans Belle, il avait utilisé une histoire connue pour sa romance, mais a choisi de l'utiliser pour parler de deuil et d'empathie. En 2021 et en sortie de pandémie, il lui semblait logique de parler de la relation entre monde virtuel et monde réel, et de la personne qu'on est vraiment au milieu de tout ça.
Maintenant, nous sommes en big 2026 : place à Scarlet qui reprend grassement tous les personnages de la pièce d'Hamlet pour les remettre exactement tels quels. Changer l'époque ? Non, ça se passera comme Hamlet, au 17e siècle. Là où le film Belle s'appropriait le mythe de la Belle et la Bête, Scarlet pourrait se confondre avec une adaptation d'Hamlet... Mais voilà le twist : la majorité du film se déroule pendant la mort de l'héroïne (la toute fin de la pièce), et on suit sa quête de vengeance dans le monde des morts. Le traître Claudius, objet de vengeance, est mort lui aussi : il faut donc que Scarlet le re-tue.
Cette structure RUINE le film. Déjà, elle force Hosoda à compresser les évènements d'Hamlet au début du film, dans de courtes scènes qui ont gout de "résumé de l'épisode précédent" plus que de vrai expérience filmique. Ensuite, c'est le moment d'infodump le spectateur sur pourquoi il faut re-tuer Claudius qui est déjà mort. Puis les péripéties s'enchaînent, jusqu'à une fin logique, mais pas très émouvante.
L'obsession de Hosoda pour l'animation 3D ne s'arrange pas, et il s'y dévoue toujours plus à chaque nouveau film. Ici, Scarlet est presque entièrement un film 3D. Il aurait mieux fallu qu'il le soit entièrement : dès que des séquences sont en 2D, elles sont nettement plus expressives ! Quand on passe en 3D, on les regrette ! Dans Belle, le monde réel (en 2D) est mélancolique, calme et humble. Le monde virtuel (en 3D) est grandiloquant, saturé et rempli de personnages de genshin impact. Mais dans Scarlet, on pourrait les confondre : les monde des morts et des vivants partagent les mêmes personnages, les mêmes teintes, et sont guidés par les mêmes principes : ce jeu de pouvoir entre princesse et roi illégitime. Dans ce cas, pourquoi alterner entre 2D et 3D ?
Parce que Mamoru Hosoda est en autopilote, il applique sa formule sans réfléchir à sa pertinence. Il a repris un mythe avec Belle : il le refait avec Scarlet, mais sans remettre le mythe en question. Le nom du film ? Celui de l'héroïne aux cheveux roses sur l'affiche. Comment réécrire une tragédie comme Hamlet en 2026 ? En refaisant tout pareil.
Je veux finir sur une critique malhonnête : ce film est déprimant. Les couleurs sont ternes, tout le monde est misérable : le film s'ouvre sur l'héroïne qui vomit le peu d'eau qu'elle a pu trouver. Ça crie de douleur, ça se bagarre dans le sable, ça tire la gueule, il n'y a quasiment pas de musique... On ne retrouve pas les dialogues légers qu'Hosoda maîtrise si bien : ce film est SÉRIEUX car c'est une TRAGÉDIE, pas le droit de rigoler. Est-ce que le film est à faute de se consacrer entièrement à cette ambiance démoralisante ? Je pense que non, c'est un choix assumé et correctement exécuté. Résultat : je ne me suis pas amusé devant ma séance, exactement comme prévu par le réalisateur.
Si vous voulez découvrir la filmographie de Mamoru Hosoda,
Scarlet est le dernier sur la liste. C'est un film qui m'a laissé de marbre, fait par un réalisateur qui a su me faire pleurer devant tous ses autres films.