D'un livre correct, Stanley Kubrick aura tiré un chef-d'oeuvre redéfinissant le genre. Shining montre peu, et accomplit beaucoup. Rien que son ouverture, avec la voiture réduite à la proportion d'un insecte par le gigantisme écrasant du paysage, nous montrant on ne peut plus simplement à quel point les personnages seront coupés du monde, nous plonge déjà dans l'ambiance. 
 Jack Nicholson nous gratifie d'un de ses numéros dont il a le secret. C'est peu de dire qu'il porte le film sur les épaules. Il est le film. Même si Shelley Duvall s'y défend pas mal.
 Peu importe la malédiction, le coup de l'ancien cimetière indien. Ce qui compte, c'est une descente aux enfers. La violence de Jack Torrance n'est plus réductible à son simple alcoolisme. Patriarche autoritaire et imbu de sa personne, le regard des autres l'oblige à se contenir. Seulement, dans L'overlook hotel, la famille est seule. Libéré du regard des autres, il peut donner libre cours à ses instincts destructeurs. Cela devient, comme on le voit avec la scène où il converse avec l'ancien assassin, une violence systémique. C'est autrement plus fort que la justification facile de l'alcoolisme. Alors que cela fait couler beaucoup d'encre aujourd'hui, les charges virulentes contre le patriarcat existaient déjà. Shining est sûrement l'une des plus acérées.
 Même si le troisième visionnage émousse le malaise qui sourd de l'ensemble, il n'en écorne aucunement le pouvoir de fascination. Shining est toujours aussi brillant. Toujours aussi percutant. Toujours aussi fascinant.
 Toujours culte.