Ça commence comme un 6, un film dard et décès somme toute normal, terriblement normal, puis ça prend une tournure horrible, au sens d'horreur du quotidien, d'horreur la meilleure, celle qui s'infiltre, un peu comme Marie Saint-Filtre, celle qu'on n'a pas vu venir, celle qu'on n'ose pas voir, car après tout, qui aurait pu prédire ? Une tournure d'histoire pas aussi radicale qu'avec The Substance, mais il y a des parallèles à faire entre les 2. Rapport à l'image, évidemment, comment la beauté est véhiculée, comment l'attention est portée, comment la quête de la reconnaissance devient une maladie, au sens propre et au sens sale. Une obsession comme une dégradation de l'état de santé physique. Et psychique aussi pour le coup.


'Sick of Myself' ça te rend malade dès la lecture. Tu t'imagines déjà un film de dépressive qui bouffe des cachetons en HP. Et en fait non, et en fait si. L'HP est intérieur, et ressurgit par intermittence à l'écran, quand on est plongé avec elle dans ses projections mentales, ses fantasmes de toute-puissance, de gloire et de prospérité. Ce qui crée un léger imbroglio spatio-temporel parfaitement compréhensible mais suffisamment bien pensé pour insuffler une perte de repère entre le réel et l'imaginaire. Comme dans Dream Scenario, son film suivant, au final. Comme son héroïne qui mythonne tout l'monde. Alors je me compare, je me rapporte, je m'identifie, j'me dis que parfois je mythonne aussi ; je repense aux fois où je n'ai pas tout à fait dit la vérité, ou quand j'ai dit "non" alors qu'il fallait répondre "oui". Comme beaucoup (comme tous ?) mais à ce point c'est du travail de compét', de l'orfévrerie de menteur pathologique. Si un jour il lui prenait l'envie de faire un tour en politique, elle y aurait certainement une grande carrière. Depuis le départ (tmtc Kaaris), cette discussion sur le narcissisme et la réussite, tout était annoncé : on ne brille en société que parce qu'on brûle. Les ponts, les étapes, tout. Jusque sa chair. Icare, ou plutôt Elle-carre, she cares, car contrairement à Adèle en hôtesse de l'air, elle en a tout à carrer, de son image publique, de l'opinion des autres, de sa destinée qu'elle s'imagine grandiose. Mais voilà, elle, elle se crame sciemment les ailes pour mieux prendre l'ascenseur social. Plonger pour s'élever, vriller pour plonger, plonger pour briller. Le talent est secondaire, il est le complément qui sert d'alibi à l'historiette méritocratique.


À voir ce spectacle de barre-en-couillisme, on pense à Club Zero, ses persos maladifs qui se flinguent la santé pour éviter de littéralement se flinguer. Qui dans la destruction retrouvent une forme de contrôle. Aussi, dans la débauche d'artillerie pour tenir hauts leurs idéaux, quitte à interloquer voire carrément choquer leur entourage, qu'il soit entre 4 murs ou bien même à l'extérieur, derrière ce 4e mur. Par son parti pris choc c'est pas si étonnant qu'il ait eu la même destinée camouflée : un film indé d'apparence planplan qui s'avère être une démonstration de masochisme transformé en sadisme envers le spectateur qui a l'estomac mal accroché. Ça dégueule ça dégueule, chez Jessica comme chez Kristoffer. Un couple parfait de la classe populaire française, ou presque. Ils n'auront pas la postérité, ce sera une galère pour trouver à les regarder dans de bonnes conditions, pas grave, les happy fews sauront.

Adrast
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le 13 nov. 2025

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