Sirāt
7.2
Sirāt

Film de Oliver Laxe (2025)

La free party de l'apocalypse - Ofni (objet filmique non identifié)

Sirāt est un film totalement ovniesque. Une énorme rave party dans le désert marocain avec une foule de punks à chien totalement envoûtés par la techno et l'acide. Et puis au milieu de cette joyeuse faune humaine surgit un homme (Sergi Lopez), accompagné de son jeune fils, à la recherche de sa fille fêtarde disparue depuis des mois. On ne saura rien des circonstances de cette recherche improbable, ni même de l'histoire de cette fille disparue. En fait, cela n'a guère d'importance puisque la rave party est brutalement interrompue par l'avènement de l'apocalypse. Une vague troisième guerre mondiale dont on ne veut rien savoir, si ce n'est que ça perturbe furieusement les plans de tout le monde. Finalement le père et son fils n'ont d'autres choix que de suivre la route d'une poignée de teuffeurs (manifestement incarnés par des vrais connaisseurs du sujet) qui entendent poursuivre leur périple libertaire dans le sud du Maroc, là ou pourrait précisément se trouver la fille disparue. La suite du film est inracontable.

Présenté ainsi, on peut se dire que l'histoire est invraisemblable. Peut-être bien. Sauf que Oliver Laxate va faire de ce périple un road movie apocalyptique hallucinant et halluciné. La bande chamarrée et esquintée par la vie va constituer une petite tribu solidaire en sursis qui n'a d'autre choix que de vivre dans l'instant présent et l'évasion continuelle. Avec la fête, les psychotropes et la danse comme ultimes refuges face à un monde qui court à perte.

Sirāt est un film totalement sensoriel qui nous plonge dans une tension émotionnelle d'une rare intensité. Le tout dans des décors désertiques à couper le souffle et une ambiance techno (excellemment composée) à la fois envoûtante et angoissante car annonciatrice des plus grands drames. Car les drames vont vite endeuiller cette petite communauté estropiée. Et soumettre au passage le spectateur à une véritable épreuve.

Le film propose des séquences prodigieuses tant sur le plan visuel que sonore mais également une profonde réflexion sur la vie communautaire. Le road trip est notamment l'occasion de constater le lien solide qui unit les individus à un groupe en état de survie. Ce qui suppose l'entraide, la générosité et la capacité à entretenir de la joie. D'où ces capsules de poésie comme cette scène où l'un des teuffeurs fait interpréter Le Déserteur de Boris Vian par son moignon de jambe...

Sirāt invoque clairement deux classiques : Mad Max et Le salaire de la Peur. J'y ajouterais pour ma part, le nettement plus récent Pacifiction qui m'avait procuré des sensations assez analogues. Mais le réalisateur utilise références comme un matériau pour construire un film d'une rare originalité sur le plan formel et une véritable réflexion eschatologique. Reste que pour adhérer au film, il faut accepter la suspension de crédulité que nous propose le réalisateur franco-espagnol.

Un gros coup de cœur, très justement primé à Cannes.


Samfarg
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 21 sept. 2025

Critique lue 25 fois

Samfarg

Écrit par

Critique lue 25 fois

D'autres avis sur Sirāt

Sirāt
Plume231
5

Danse explosive !

Sur le plan de la mise en scène — visuelle et sonore —, c'est difficile de ne pas s'incliner devant autant de virtuosité esthétique. Il suffit de voir les séquences d'introduction lors de la...

le 11 sept. 2025

133 j'aime

50

Sirāt
Moizi
5

Beaucoup de bruit pour rien

Sirat c'est quand même beaucoup de bruit pour rien (au sens propre, comme au figuré). Je ne comprends pas les retours dithyrambiques sur ce film qui n'est qu'une version saharienne du Salaire de la...

le 28 sept. 2025

67 j'aime

17

Sirāt
takeshi29
9

Un Laxe actif ce n'est pas chiant du tout...

Je n'ai qu'une envie, être au 10 septembre et retourner voir "Sirāt" dans une salle qui envoie du lourd au niveau du son, qui me permettra une meilleure immersion à ce niveau que celle connue dans la...

le 26 juil. 2025

65 j'aime

8

Du même critique

Tre piani
Samfarg
7

Trois voies de la libération

Tre piani de Nanni Moretti est un film choral minimaliste sur la forme, presque austère, mais qui révèle toute la sensibilité et la subtilité de l'auteur. Il s'agit de trois destins reliés par un...

le 11 nov. 2021

4 j'aime

The French Dispatch
Samfarg
4

Un néant sublime

J'adore l'univers de Wes Anderson. Son inventivité old school, son foisonnement d'astuces bout-de-ficelle et son talent de conteur m'ont si souvent ému (particulièrement dans Moonrise Kingdom et Au...

le 1 sept. 2022

4 j'aime

Le Goût des autres
Samfarg
9

La distinction

Le goût des autres est un grand, un très grand film mineur. Derrière la comédie et les scènes cocasses, le film est d'une très grande profondeur et poursuit une véritable ambition : mettre en scène...

le 12 juil. 2021

4 j'aime