Sirāt
7.2
Sirāt

Film de Oliver Laxe (2025)

Sirāt est une expérience sensoriel avant d'être un film. On en sort secoué comme après une nuit sans sommeil, entre euphorie et vertige. Dès l’ouverture, la rave au milieu du désert impose le ton : la musique de Kangding Ray pulse comme une transe, elle se mêle au vent et à la poussière, elle devient le rythme même du voyage. Rarement un film aura autant donné l’impression de ressentir physiquement ses sons, comme si chaque vibration était gravée dans le sable.


Le Sahara ici n’est pas seulement un décor, c’est un personnage à part entière, un être divin qui se joue du spectateur. La route, seul élément tangible du voyage, devient un fleuve de sable, un Styx contemporain où chaque pas, chaque kilomètre rapproche un peu plus d’une rive invisible, sans retour possible. Dans cette marche funèbre au ralenti, on pense à Mad Max: Fury Road pour la dimension tellurique du convoi, mais aussi à Apocalypse Now ou même à Dune pour ce mélange d’épopée et d’hallucination.


C’est un cinéma d’expérience pure, qui réclame le grand écran : la poussière qui étouffe, la lumière qui frappe, le son qui engloutit. Sur un petit écran, une partie de cette immersion se perdrait. Ici, on ne suit pas une intrigue, on se laisse avaler par une atmosphère symbolisé par la lumière blafarde, écrasante du désert. Seul dans la nuit qui les dévorent, les protagonistes errent tel des âmes perdues au royaume d'Hadès. Cette ambiance est le gros point fort du long métrage.


Reste que le film n’est pas sans failles. Les acteurs non-professionnels, souvent émouvants par leur présence brute, peinent quand il s’agit de porter la charge dramatique. Et Sergi López, d’ordinaire si solide, paraît étrangement absent : sa douleur ne s’imprime pas vraiment, comme s’il jouait à côté du film. Le scénario peut décevoir également : le début du film qui annonce une quête d'un père à la recherche de sa fille, laisse rapidement sa place à un voyage sensoriel vers l'enfer. On peut regretter ainsi les artifices utilisés pour surprendre le spectateur, qui tentent de faire oublier les lacunes du long métrage. Notamment des personnages manquant de profondeur et une histoire initiale vite laissé au second plan. Attention le film peut brasser et choquer certains spectateurs.


Mais malgré ces fragilités, Sirāt demeure une expérience hypnotique, un cinéma qui se vit plus qu’il ne se raconte. Une procession moderne, envoûtante et déroutante, où l’on a le sentiment de marcher sur un fil tendu au-dessus du néant.

Nash_Tulsa
6
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le 28 sept. 2025

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Nash Tulsa

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