Danse explosive !
Sur le plan de la mise en scène — visuelle et sonore —, c'est difficile de ne pas s'incliner devant autant de virtuosité esthétique. Il suffit de voir les séquences d'introduction lors de la...
Par
le 11 sept. 2025
135 j'aime
52
Non, non. Pas convaincu par ce film. Pourtant je l’attendais avec impatience. De la techno dans le désert, un père qui cherche sa fille. Tous les jours. Ça ne va pas. C’est mou, vide, peu inspiré. Tout marche à l’épate. L'esbroufe. Les moyens de capter l’attention du spectateur sont brutaux et grossiers. Le but est clairement de choquer. Il faut faire un film « choc ». Il faut que les gens sortent en disant que c’est un film « choc ». Mais quel choc ? Est-ce que le choc c’est de faire mourir brutalement des personnages qui n’ont pas particulièrement d’épaisseur psychologique ? Enfin n’allons pas trop vite. Commençons par le commencement, la représentation de la fête techno. C’est un motif intéressant mais il est traité de façon assez générique. Ce n’est pas laid mais c’est aseptisé, pas assez sale ou alors proprement sale, pas assez d’aspérités, d’imperfections. La perle n’est pas assez irrégulière pour retranscrire l’atmosphère d’une rave. Les plans sur les visages, les corps en pièces détachées, les pieds nus plein de poussière sur le sol frappant au rythme du kick. Même chose pour la musique, la techno joue un rôle fondamental dans le film, il fallait une meilleure bande-son. C’est de la techno très générique. Je ne vois pas pourquoi on fait tout un foin de ce Kangding Ray. Enfin si je sais, le film a été primé à Cannes parce que la techno n’est pas un style musical très fréquent dans le cinéma. Là il est à l’honneur, et c’est une bonne chose, mais c’est davantage en tant que style qu’en tant qu’œuvre spécifique. Il a bénéficié de l’effet de surprise. Puisque le réalisateur voulait quelque chose de brutal alors il aurait fallu faire appel aux Français de Polar Inertia. Ça aurait fonctionné à merveille, il y aurait eu la brutalité et le raffinement. Mais en lieu et place de cela on a plutôt cette techno générique avec un gros kick générique et des nappes génériques. Ce qui n’empêche pas de donner quelques belles séquences, comme les camions avançant dans la nuit du désert, la cabine du conducteur seulement allumée sur fond de rythme lourd. Mad Max techno, très bon. Cependant nous pouvons passer maintenant à la brutalité du film en elle-même, la brutalité du scénario, le sadisme inutile et lourd avec lequel le réalisateur traite ses personnages et, par la même occasion le spectateur. Très mal à l’aise avec cette scène du champ de mine, pas d’un malaise fécond, esthétique. Je n’ai pas pensé au Salaire de la peur mais à la scène finale de Full Metal Jacket, dans le même registre, quoique selon des modalités génériques. Le peloton de Gi's essaie d’avancer vers un bâtiment mais ils se font tous descendre un à un par un tireur embusqué. On a une mort invisible, quasi inévitable, des personnages qui meurent brutalement les uns après les autres. C’est un moment de violence et de tension incroyablement réussi, d’autant plus qu’il culmine par la rencontre avec le tireur. La fin de Sirât ne souffre pas la comparaison. On a l’impression que le réalisateur tue ses personnages parce qu’il ne sait plus quoi en faire. Ou alors parce qu’il les déteste. Quel acharnement. Que diable allaient ils faire dans cette galère ! La formule du film est vraiment curieuse, elle pourrait être non pas « qui perd gagne » mais « qui perd perd ». Non seulement ces pauvres hères ont déjà perdu quelque chose (le père a perdu sa fille, le type a perdu sa jambe) mais ils finissent par perdre encore plus (le père perd aussi son fils, l’unijambiste perd sa copine puis perd tout le reste). Il y a des gens qui deviennent unijambistes en sautant sur une mine. Ce sont des mutilés de guerre et c’est horrible. Mais faire sauter un unijambiste sur une mine, c’est outrancier. Le film réalise la prouesse d’inventer une sérendipité particulièrement détraquée et tordue. Ce n’est pas qu’en cherchant une chose vous en trouvez une autre, mais plutôt que vous en perdez une autre ! La mystérieuse rave party en Mauritanie n’est jamais trouvée, la fille de Sergi Lopez n’est pas retrouvée non plus, elle est même presque oubliée. Les quelques personnages qui restent finissent comme des réfugiés dans un train, au milieu d’autres réfugiés. On comprend que la leçon qui est censée nous être administrée est « il n’y aucun espoir » mais cela est fait de façon si superficielle et anecdotique. L’évocation de la guerre mondiale en arrière-fond de l’histoire est anecdotique. Idem pour le titre du film, pas exploité à sa juste valeur. Elle est belle pourtant cette image en Islam du Sirât, ce pont jeté sur l’Enfer. Je n’en avais jamais entendu parler et je l’ai découverte avec plaisir mais le réalisateur décevant, plus dans l’esbroufe que dans la profondeur, n’en fait rien. Au fond, c’est cela le problème, l’anecdotique. Tout est anecdotique dans le film. Ou tout est traité de façon à le devenir. Tout est aplati en anecdotes. On vole d’anecdotes en anecdotes. Une mort devient anecdotique. Une rencontre avec un berger devient anecdotique. Une prise de plante hallucinogène dans le désert devient anecdotique etc.
Le film est donc anecdotique mais il ne peut se prévaloir au moins de la légèreté de l’anecdote, il est lourd au sens le plus commun du terme. Un personnage saute sur une mine en disant « fait péter », cela est lourd, gratuit et ridicule. On sursaute pour le bruit, le procédé est aussi grossier que le jumpscare dans les mauvais films d’horreur d’aujourd’hui. Un deuxième saute, on soupire en levant les yeux. Un troisième saute, on met sa main sur son visage de dépit. Nous sommes sérendépités.
Créée
le 6 oct. 2025
Critique lue 39 fois
3 j'aime
1 commentaire
Sur le plan de la mise en scène — visuelle et sonore —, c'est difficile de ne pas s'incliner devant autant de virtuosité esthétique. Il suffit de voir les séquences d'introduction lors de la...
Par
le 11 sept. 2025
135 j'aime
52
Sirat c'est quand même beaucoup de bruit pour rien (au sens propre, comme au figuré). Je ne comprends pas les retours dithyrambiques sur ce film qui n'est qu'une version saharienne du Salaire de la...
Par
le 28 sept. 2025
80 j'aime
19
Je n'ai qu'une envie, être au 10 septembre et retourner voir "Sirāt" dans une salle qui envoie du lourd au niveau du son, qui me permettra une meilleure immersion à ce niveau que celle connue dans la...
Par
le 26 juil. 2025
70 j'aime
8
Tous ces défauts qui ne sont pas vraiment des chances. Il est vrai que ce Goldman était loin d’être un standard, un homme bien comme il faut. Voyou, aventurier, militant politique, écrivain,...
le 8 oct. 2023
11 j'aime
Oh putain quelle purge. Je me suis emmerdé… mais d’une force. Vous n’avez pas idée. Ce film, c’est La Soupe aux choux version thaïe. La Soupe Pho aux choux. Je résume en huit mots : des bruits...
le 6 déc. 2021
11 j'aime
3
... tandis que l'homme d'un caractère difficile et chagrin est malheureux à tout âge." Cicéron, De senectute J'avoue, je m'apprêtais à dire du mal de ce film. J'y allais pour me moquer, pour me...
le 19 févr. 2022
10 j'aime
3