Danse explosive !
Sur le plan de la mise en scène — visuelle et sonore —, c'est difficile de ne pas s'incliner devant autant de virtuosité esthétique. Il suffit de voir les séquences d'introduction lors de la...
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le 11 sept. 2025
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Sirāt, c'est un film initiatique sur un périple douloureux dans le désert. Ce n'est pas la soif, ni la faim, qui nous prend de court, mais son histoire dramatique. En fait, le cours des évènements débute assez bien, même si la trame reste quelque peu triste et désemparante. Une teufeuse à peine âgée de dix huit ans a quitté sa famille majorité atteinte pour vivre la tête dans le caisson. Sa famille la cherche désespérément. Un père espagnol et son jeune fils, encore un enfant, arpentent le terrain d'une teuf au Maroc, en plein désert, au beau milieu de montagnes qui surplombent ce beau monde.
La première scène donne sur l'installation d'une sorte d'estrade sur un sable dur et brûlant. Le mur de son est d'abord érigé caissons par caissons. Les grosses enceintes poussiéreuses feront face à une foule en quête mystique de musique et d'échange. Les câbles sont fermement branchés derrière la façade sonore, et, l'édifice musicale monté, il suffit de lever les interrupteurs de la haute plateforme pour que le son fasse vibrer nos oreilles.
C'est ainsi qu'arrivent Luis, et son jeune fils, Esteban, à un moment donné de la teuf, au crépuscule, dès le premier soir peut-on supposer. Ils distribuent ces affiches de ce membre de la famille qui a disparu, avec une photo de la fille, jeune teufeuse elle aussi. Ils restent a priori assez indifférents à la festivité ambiante puisqu'ils n'ont qu'une seule mission : retrouver Mar, s'appelle-t-elle. Dans un flot de personnes qui tapent du pied de façon endiablée, en transe, espacées les unes des autres pour danser collectivement, les deux esseulés se frayent un chemin pour faire passer leur complainte : avez-vous vu cette fille ? C'est sans réponse positive que se poursuit la distribution, de groupes en groupes, sans désespérer, en apparence résolus. Le fils l'est pour sûr. Il garde espoir, dit-il, que Mar sera heureuse au fait de retrouver sa famille. Le père ne s'exprime pas. Son besoin est évident, et les autres le comprennent, nécessairement.
La teuf bat son plein. Durant la nuit, le son vibre toujours et encore même auprès des teufeurs endormis s'étant placés à l'écart de la scène. Par le fils, une affiche est posée sur la jambe d'un de ces endormis, le vent prêt à l'envoler. Il est tard. Le père couche son fils à l'arrière de sa voiture, aménagée avec un lit et abritant un petit chien. Il lui dit qu'il va poursuivre les recherches. La nuit, les grandes montagnes sont illuminées par des lasers qui inscrivent certains symboles lumineux dans la pierre : deux blocs, comme deux tours, accueillent un escalier qui s'y plonge profondément pour gravir la montagne. C'est la joie et le son. L'ascencion est rendue possible. Le père n'aura pas trouvé cette nuit-là.
Le Sirāt, dans la tradition de l'Islam, c'est donc le pont qui sépare l'enfer du paradis. Il est plus étroit qu'un cheveux et aussi affûté qu'une épée, nous dit-on au début du film. Il semble que ce film parle d'une évasion, d'une échappatoire au monde moderne, nécessairement éphémère. En effet, un autre élément de l'histoire indique un scénario catastrophe que fuient ou ignorent délibérément les teufeurs : la 3e guerre mondiale a éclaté. C'est officiel, le monde est en guerre, et les nations sont alignées. Néanmoins, dans l'esprit du film, cet évènement historique n'est qu'un détail. Il faut avancer. Continuer l'errance physique et sa recherche spirituelle. Il est vrai que les teufeurs sont équipés pour parcourir des kilomètres et des kilomètres.
Le lendemain, un autre évènement inattendu vient bouleverser le cours des recherches. Il a lieu en deux temps.
En surplomb, sur une colline, quelques teufeurs observent au loin dans une autre direction que la scène. Ils font errer leur regard à l'horizon. Le père, qui avait égaré son fils, le retrouve, et décide de partir à leur rencontre. C'est avec effort qu'il monte le terrain sec et friable de la colline : il tend l'une de ses affiches : avez-vous vu ma fille ? La première du groupe prend le bout de papier, appelle son groupe, et on lui dit : elle te ressemble. Mais non, ils ne l'ont pas vue. Tout ce qu'ils savent, c'est qu'une autre teuf va avoir lieu à des kilomètres d'ici, à la frontière de la Mauritanie, et qu'il y aura peut-être sa fille.
D'un coup, un convoi militaire encercle les festivités et mettre un terme à cette musique qui joue inlassablement. Les militaires, après quelque altercation, les enjoignent de partir. Les voitures sont en file, encadrées par l'armée, en route vers une autre destination. Par un subterfuge imprévisible, la fille de la colline va faire diversion pour fuir cette file. Elle prétend devoir aller aux toilettes devant un jeune soldat, pour qu'il baisse sa garde. Elle urine sous ses yeux, reprend son camion, et vite ! elle annonce le départ : vas-y fonce ! Le père voit la scène d'un tout autre convoi partir en direction de cette autre teuf. Il se laisse immédiatement convaincre par son jeune fils qui lui dit de les suivre.
C'est alors que le voyage impossible commence, le véritable Sirāt. Il y aura une longue route, des galères, du lien, et surtout, d'amers chutes et rebondissements. A vous prendre aux tripes !
7/10 !
Un spécial merci aux amis qui m'ont recommandé ce film. Un spécial merci à l'amie avec qui je suis allé le voir.
Créée
le 9 oct. 2025
Modifiée
le 9 oct. 2025
Critique lue 8 fois
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2 commentaires
Sur le plan de la mise en scène — visuelle et sonore —, c'est difficile de ne pas s'incliner devant autant de virtuosité esthétique. Il suffit de voir les séquences d'introduction lors de la...
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le 11 sept. 2025
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Je n'ai qu'une envie, être au 10 septembre et retourner voir "Sirāt" dans une salle qui envoie du lourd au niveau du son, qui me permettra une meilleure immersion à ce niveau que celle connue dans la...
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Sirat c'est quand même beaucoup de bruit pour rien (au sens propre, comme au figuré). Je ne comprends pas les retours dithyrambiques sur ce film qui n'est qu'une version saharienne du Salaire de la...
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