Un bien curieux parcours que celui de M. Night Shyamalan, qui bien qu’un temps pressenti pour prendre la relève des plus grands vit sa filmographie s’enliser peu à peu dans un marasme critique notoire. S’il me manque personnellement des éléments de visionnage pour adhérer pleinement à cette vision (pessimiste), le petit événement incarné par la sortie de son dernier cru, Split, se posait somme toute comme une curiosité des plus certaines : s’agissait-il là du retour aux affaires réussi, ou bien d’un énième échec venant clore définitivement ses chances de renouer avec le succès ?
Sans pour autant parler d’un acte de résurrection pour le cinéaste, il s’avère que ce thriller plutôt bien fichu constitue une réalisation des plus honorables : s’il n’atteint pas en ce sens la virtuosité de ses référentiels Sixième Sens et Incassable, Split se pose malgré tout comme un divertissement efficace, fort d’une atmosphère prenante et de son interprète phare.
Difficile en effet de passer outre la performance grisante de James McAvoy, parfait en « Barry », « Hedwig » et consorts (comme consœurs) : naviguant avec la manière entre les rôles, la dissociation de sa personnalité sert de parfait point d’ancrage au scénario, qui en dépit d’une certaine linéarité et des faiblesses patentes convainc finalement. Mais dans un même registre, Anya Taylor-Joy incarne le versant surprenant du long-métrage : à des années-lumière d’une figuration désuète, la jeune argentino-britannique n’est pas loin de voler la vedette à son homologue tant celle-ci accouche, de bout en bout, d’une prestation aboutie.
En toile de fond, la thématique centrale des « écorchés » est certes efficiente, mais sa propension à influer (trop) nettement la déroulé du récit ne fait que souligner les limites de Split : certainement pétri de bonnes volontés, le long-métrage fait ainsi preuve d’un manque de finesse malheureux, si tant est que celui-ci s’avère frappant à tête reposée.
En ce sens, son ambiance aux petits oignons, et surtout aux différents tons à mesure que Split jongle entre les genres, est finalement un gage d’intérêt continu lors du visionnage : thriller et fantastique ont d’ailleurs tôt fait de se confondre, l’intrigue déroulant avec patience des indices du virage à venir, et il va sans dire que celui-ci y va de son petit effet. Les similitudes avec l’excellentissime Incassable sont alors savoureuses, et que dire du « twist » final, qui vient dessiner les contours (réjouissants) d’un univers étendu.
Mais comme évoqué précédemment, la réflexion post-séance quant à la place de cette séquence illustre de nouveau le point faible majeur de Split : bien que se différenciant aisément de la masse de productions faisant à n’en plus finir du réchauffé pour nous divertir, il est évident qu’il aurait fallu à ce bon Shyamalan une subtilité accrue (et donc moins de ressorts téléphonés) pour prétendre à davantage. Dans une autre veine, le fait d’attribuer à Kevin pas moins de 23 personnalités fini par peser négativement dans la balance, ce semble d’excès de zèle amoindrissant la crédibilité du protagoniste : le fait est que seul un échantillon restreint de ses facettes est développé, entraînant le survol (si ce n’est moins) du reste de la galerie.
Certes, il eut été complexe d’aborder de façon exhaustive un tel panel, et l’on pourrait supposer que la fort probable suite de Split approfondisse ce point : toutefois, l’avènement de la Bête contredirait à mon sens de telles perspectives, aussi l’on préférera se raccrocher au match-up promis entre Kevin et David, de quoi me conforter dans l’idée que Shyamalan n’a définitivement pas dit son dernier mot.