Nul besoin de connaître la bio de Bruce Springsteen pour comprendre ce biopic. Tout y est subtilement relaté. Scott Cooper démêle la lente et douloureuse introspection du Boss qui, après une tournée triomphale, l’amènera à créer l’album "Nebraska" (années 1980), album qui prend le contre pied de son succès. C’est un retour aux sources (blues), à son passé (enfance), à ses racines (famille dysfonctionnelle), à la lecture (Flannery O’Connor) qui l'accompagne, le maintient ou le forge dans un désespoir (voire une dépression) et que seul un artiste sait intégrer dans son processus créatif. Et de l’angoisse naîtra, dans un isolement volontaire, la création minimaliste de «Nebraska» avec une guitare, un harmonica et un « magnétophone 4 pistes ».
Il ne s’agit pas de dévoiler l’angoisse de la page blanche de l’artiste, mais d’éclairer une courte période de vie, sombre, chargée d’idées noires, où se mêlent l’isolement, l’anxiété, la douleur voire le désespoir, avant la renaissance sur scène. J’ai particulièrement adoré les liens et sentiments qui lient le Boss à son manager (dont le personnage n’hésite pas à exprimer ses doutes et à imposer son soutien inconditionnel), et à « ses » musiciens : amitié, fidélité, confiance sont une aide précieuse pour cet artiste.
Les scènes de spectacles sont courtes et implicitement on devine l’engagement et la libération que cela procure chez cette "bête de scène". L’acteur est super et son jeu semble sans effort. Le travail sur la lumière n’est pas époustouflant. En revanche j’ai apprécié les décors et les prises de vues extérieures, de nuit, tout autant que le montage, simple. Quelques flash-back en noir et blanc rappellent cette enfance déchirante et viennent ponctuer un récit linéaire et "classique". Cependant de nombreux détails émaillent ce récit sur la création de l’album Nebraska : je ne savais pas que l’album « Born in the USA » avait été créé à la même période ni que ce fut un choix délibéré de ne pas le produire avec Nebraska ; je ne connaissais les période de dépression de Springsteen ; les origines ouvrières sont effleurées … Et puis la bande son, la musique (que des standards)…Que du bonheur, pour nous, issu des ténèbres du créateur Bruce Springsteen.
Pour finir je ne citerai que trois acteurs :Jeremy Allen White (The bear) et Flannery O’Connor (Succession) juste pour rappeler combien la frontière entre acteurs de série et de cinéma est bien ténue. Chez nous, c’est impossible, malheureusement. Et Stephen Graham, dans le rôle du père, est touchant et émouvant . Pardon pour les rôles féminins, inquiètes, piliers fragiles et sources d’inspiration très bien interprétés mais qui passent en second plan dans ce milieu masculin.