Nombreux sont les cinéastes asiatiques qui traversent l’océan Pacifique pour aller faire un film ou deux à Hollywood, qu’ils soient tentés eux-même par l’aventure ou courtisés par un studio. Récemment, Kim Jee-woon a tourné Le Dernier Rempart avec Arnold Schwarzenegger. John Woo a fait quelques tentatives (Chasse à l’Homme avec Van Damme, l’excellent Volte Face ou encore Mission Impossible 2) avant de rentrer chez lui tourner le sublime Trois Royaumes. Même Tsui Hark s’y est essayé aussi avec Van Damme.
Cette fois, c’est au tour de Park Chan-wook de s’y essayer dans un film signé Wentworth Miller. Oui, c’est surprenant mais vous avez bien lu. Le scénario est du comédien connu surtout pour avoir incarné Michael dans la série Prison Break.

Mais si Chan-wook a manifestement eu plus de libertés que beaucoup de ses petits camarades cantonnés à du blockbuster calibré, ce n’est pas pour autant qu’il s’est en sorti.

Stoker, c’est simplement le nom de la famille dont il est question pendant tout le film. Le père est mort et on commence à son enterrement. On découvre la mère et sa fille, bourgeoises américaines vivant dans une grande et belle maison à la campagne et un oncle, qui vient s’ajouter à l’histoire, suite à la disparition de la figure paternelle. Dans cet environnement marqué par le deuil, la jeune India et sa mère seront tour à tour attirée par l’oncle en question. Et si l’une se contentera d’y voir un remplaçant à son défunt mari, l’autre va à travers lui évoluer et grandir.

C’est du moins ce que Park Chan-wook veut dire sur le papier. La réalité à l’écran est un peu différente et plus simple : sur un peu plus de 1h30 que dure le film, il ne se passe strictement rien pendant les 45 premières minutes. Il faudra attendre une seconde partie pour que Stoker commence à décoller.
Ce qui est surprenant, c’est qu’on a l’impression que le metteur en scène se rend compte des trous et qu’il les comble avec de belles images. Son film contient de très belles séquences, l’ensemble est très bien filmé mais il utilise des techniques visuelles assez particulières. Il va notamment beaucoup jouer sur les couleurs, le jaune et le rouge sont omniprésents dans l’histoir. On imagine sans mal que la couleur la plus chaude allant de plus en plus remplacer l’autre, le réalisateur veut montrer l’évolution de la jeune India. Mais il nous surprenant en abandonnant ce principe dans les séquences faisant évoluer l’histoire. Comme si ces jeux visuels n’étaient finalement qu’un vernis pour masquer la vacuité de certaines séquences.

On passera assez vite sur Nicole Kidman dont la fin de carrière semble se limiter à des rôles de pleureuses (souvenez vous de l’affreux Rabbit Hole). Matthew Goode et Mia Wasikowska sont eux deux excellents choix de casting. L’un est très bon pour incarner un bellâtre à l’air malsain, gentil en apparence mais en réalité le diable incarné (il était déjà Ozymandias dans Watchmen de Zack Snyder). Et l’autre (vue dans Albert Nobbs et surtout dans le Alice de Burton) est parfaite pour incarner une jeune fille entre deux âges, plus vraiment adolescente ni encore adulte. Et elle a naturellement un petit coté fade qui va bien à son personnage.

Mais leurs relations sont trop variables, leurs réactions trop changeantes pour qu’on arrive à savoir où le réalisateur veut vraiment en venir. Cherche-t-il à évoquer une histoire de famille ? A montrer un passage à l’âge adulte ou quelqu’un qui se cherche entre bien et mal ? Tout cela est un peu trop confus, et le tout est accentué par quelques scènes qui font hausser les sourcils (la scène « dans la forêt » semble à l’ouest en matière de spatio-temporalité et on ne se demande encore si le passage sous la douche était vraiment utile si ce n’est pour montrer la jeune comédienne nue) ? A moins que tout cela ne soit une manière d’évoquer différents aspects d’une sexualité interdite …? On aura jamais vraiment la réponse et c’est bien dommage.

Là où, a contrario de ses camarades précités, Park Chan-woo s’en sort, c’est parce qu’il réalise probablement le film qu’il a voulu faire. On y sent l’indépendance et la patte visuelle du réalisateur. Malheureusement pour lui, le scénario, finalement sans réel fil conducteur ne l’aide en rien.
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le 8 avr. 2013

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