Dès les premières minutes de Stories We Tell, Sarah Polley nous invite dans un labyrinthe intime où souvenirs, silences et révélations s'entrelacent avec une finesse bouleversante. Donner à ce documentaire la note de 9.5/10 me semble pleinement justifié tant l'expérience cinématographique offerte par Polley est singulière, touchante et magistralement orchestrée.
Polley ne choisit pas la voie facile : en exposant sa propre histoire familiale, elle aurait pu sombrer dans l'autocélébration ou l'apitoiement. Mais Stories We Tell échappe brillamment à ces écueils. Le film devient un kaléidoscope où les points de vue multiples dessinent une vérité mouvante, insaisissable, et profondément humaine. Cette approche réflexive, qui questionne non seulement le souvenir mais aussi l'acte même de raconter, m'a personnellement bouleversé : Polley ne cherche pas à imposer une "vérité", elle nous donne à ressentir la complexité du vécu.
L'un des grands mérites du film réside dans son écriture : la structure en mise en abyme, mêlant interviews, archives réelles et reconstitutions fictives, est menée avec une fluidité admirable. Jamais le spectateur n'est perdu, malgré l'entrelacement constant des récits. Cette maestria narrative contribue à l'émotion profonde du film sans jamais verser dans le pathos facile. À mes yeux, cette rigueur dans la mise en forme donne toute sa force au propos : elle montre que nos vies elles-mêmes ne sont faites que d'histoires racontées, recomposées, parfois embellies.
Ce qui m'a particulièrement touché dans Stories We Tell, c'est la retenue émotionnelle qui sous-tend chaque image. Polley filme ses proches avec tendresse, mais aussi avec une pudeur respectueuse. Elle sait capter la douleur autant que l'amour, l'absence autant que la présence. Ce film parle d'elle, certes, mais il finit par parler de nous tous : de nos familles, de nos souvenirs, de ces récits que nous tissons pour donner sens à notre existence.
Au-delà de son sujet personnel, Polley signe une véritable ode à la narration elle-même. Elle montre combien raconter, c’est vivre, transmettre, aimer. Ce choix de mettre en lumière la malléabilité du souvenir — sans cynisme ni amertume — donne au film une portée universelle et résonne longtemps après la projection.
À travers Stories We Tell, Sarah Polley livre bien plus qu’un documentaire : elle propose une expérience émotionnelle, intellectuelle et presque philosophique sur le souvenir et l'identité. Mon 9.5/10 récompense cette capacité rare à toucher au plus profond sans jamais forcer l'émotion. C'est un film que je n’oublierai pas, et que je revisiterai sûrement, tant il ouvre des strates de réflexion nouvelles à chaque visionnage.