Subitement orphelins, Andy et Piper, un adolescent presque majeur et sa demi-sœur ayant un trouble de la vue sont envoyés vivre chez une ancienne assistance sociale au comportement quelque peu déconcertant. Pas encore remise de la mort de sa propre fille, celle-ci vit en effet déjà avec un étrange enfant mutique et semble prendre un malin plaisir à vouloir malmener la relation de ses deux nouveaux petits protégés...


Ils avaient beau en avoir quatre à leur disposition depuis la naissance, il aura suffi simplement d'une "Main" surnaturelle aux frères australiens Philippou pour s'imposer comme un duo de réalisateurs-scénaristes sur lequel on avait de miser beaucoup sur l'avenir. Et, au vu de la qualité de ce "Bring Her Back", on peut dire que cet investissement était le bon car non seulement le tandem ne déçoit pas mais il confirme de belle manière que leur nom est désormais synonyme de films d'horreur sortant de la norme.


Si la thématique du deuil va déborder de leur premier film pour étreindre "Bring Her Back" de toute son enveloppe de traumatismes et de chagrins, les prémices rappellent davantage ici, par leur ambiance, ceux des premiers longs-métrages d'Ari Aster ("Hérédité", "Midsommar") où la mort d'un proche va entraîner des héros dans un environnement inconnu, déviant et particulièrement tordu pour faire éclater au grand jour leurs meurtrissures intimes dans le but d'assouvir de mystérieux desseins.

Ainsi, après l'onde de choc d'une mort dont les remous ne demandent qu'à faire rejaillir un passé trop longtemps tu, Andy et Piper vont se retrouver sous un toit où couve également une souffrance de deuil insurmontable chez la propriétaire des lieux, mais celle-ci semble s'y être perdue, maintenant une façade de mère d'accueil affable sur quelque chose d'obscur et irrationnel avec lequel les Philippou vont savamment jouer la carte du brouillard un long moment. Là où l'eau perd sa symbolique de renaissance pour épouser des relents aussi glauques que mortifères et où les rotations de caméra deviennent celui d'un cercle vicieux de deuils se percutant dans un autre, littéral, tracé pour des forces supérieures, les deux réalisateurs créent une atmosphère suffocante, qui, dans le climat sans cesse plus dérangeant de la maisonnée, oscille entre les représentations de pure horreur et la tension psychologique grandissante entre le quatuor de personnages principaux.


Si, dans le premier cas, ce que l'on nous dévoile comme l'inspiration de cette mère adoptive et les agissements déstabilisants de son enfant vont de plus en plus faire muer l'intriguant en une série de séquences-chocs bien salissantes à l'écran (celle du couteau et ce que l'on qualifiera de "goûter" de l'enfant ont de quoi rester dans les mémoires), c'est bien leur entremêlement à l'incroyable emprise de cette femme sur ses "enfants" et, évidemment, en particulier sur le frère aîné, poussé en permanence dans les derniers retranchements de sa fragilité émotionnelle tout en essayant de garder son rôle de protecteur sincère vis-à-vis de sa demi-soeur, que "Bring Her Back" fait des merveilles, avec une montée en puissance d'événements ne pouvant que nous scotcher sur la quasi-totalité de sa durée.

En ce sens, il faudra aussi saluer la qualité de l'interprétation, incontestable force vive du film, avec une Sally Hawkins à qui l'on aurait envie instantanément de remettre un nouvel Oscar tant elle offre une palette assez sidérante de nuances sur son personnage dévoré par ses troubles et des jeunes interprètes remarquables (Billy Barratt parvient à nous faire vibrer à chaque brisure supplémentaire que l'effondrement psychologique d'Andy induit, Jonah Wren Phillips nous fige à chaque apparition d'Oliver, gamin insaisissable et violemment imprévisible, et Sora Wong maintient une touchante bulle de naïveté face à un chaos rampant qui ne cherche qu'à la faire éclater, tous sont brillants, quelle direction d'acteurs !).


Comme pour "La Main", notamment lorsque le mystère n'en est plus vraiment un, "Bring Her Back" a peut-être un peu plus mal à maintenir le même effet de surprise constant qu'il voudrait produire en intégralité, nous empêchant encore de crier au génie le plus total à l'égard des Philippou (la conclusion est plus que satisfaisante cela dit) mais leur volonté de proposer avec talent un cinéma d'horreur viscéral, hargneux et vecteur de malaises est bien là, omniprésente et généreuse. On ne peut qu'en redemander.

RedArrow
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le 2 juil. 2025

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