Superman
6.2
Superman

Film de James Gunn (2025)

À l’ère de la « superhero fatigue », un bilan s’impose.


Qu’est-ce qu’on attend aujourd’hui d’un film superhéroïque ?


Marvel a créé une formule efficace, en mettant des « yes men » aux commandes, et en prenant bien soin de diluer, voire carrément d’évincer les auteurs quand ils se présentaient. Que ce soit le Dr Strange de Sam Raimi dont on se demande s’il ne fait pas un quart temps derrière la caméra, ou le Ant-Man avorté d’Edgar Wright pour différends artistiques, on comprend vite que la vision industrielle du film de super-héros pondu à la chaîne prime sur la vision d’auteur.


Les frères Russo étant peut-être la démonstration ultime de cette standardisation : des films efficaces, parfaitement calibrés, mais interchangeables et complètement oubliables. Alors que j’ai une mémoire cinématographique plutôt forte, je n’arrive pas aujourd’hui à décrire une seule scène du Soldat d’Hiver. C’est une expérience immédiate, c’est sympa, pas trop moche, mais ça ne laisse aucune trace. Tout ça est bien morne, et surtout, ça ne me fait pas rêver.


De l’autre côté, on a un DC qui ose un peu plus, en se tournant vers des auteurs, mais ça a comme conséquence des produits finis beaucoup plus aléatoires, pour le meilleur et pour le pire.


Prenant les très sympathiques Batman de Nolan comme repères mais sans réelle stratégie, le Snyderverse s’est vidé de son sens au fur et à mesure de son développement.


Les super-héros, ils sont déprimés, ils sont dépressifs, c’est pas des rigolos. L’univers est de plus en plus sombre et désaturé, parce que la vie est dure et les méchants, ils sont très méchants.


Mais tout ça est bien vain, et surtout très creux. On a surtout des super-héros qui se regardent le nombril, mais pas avec le recul cynique d’un The Boys – non – avec une complaisance qui frise le ridicule.


Ça déborde de gras et de testostérone. Ça explose des bouteilles de whisky au sol. Ça attrape même des saucisses au ralenti. Rien à foutre.


Le Snyderverse a fini par couler dans ses propres excès.


Et c’est dommage, parce que Man of Steel, malgré ses lourdeurs, semblait avoir quelque chose à raconter. C’était clairement le meilleur film du Snyderverse, et à la fois, il annonçait déjà maladroitement tout le pire à venir.


Voir un demi-dieu, présenté constamment dans des postures bibliques même pas dissimulées, détruire le camion d’un redneck américain parce qu’il était pas gentil, cristallise sans doute toute la contradiction de Snyder.


C’est un Dieu ou un gamin ? On ne sait plus.


Puis y a eu cette curiosité qu’est le Joker. Ils n’ont pas trouvé d’auteur pour le réaliser, alors ils ont pris un réalisateur de comédies bien grasses dont la proposition auteuriste a été de singer Scorsese. Il a beau avoir essayé de repeindre ça en hommage, il n’a pas mis assez de couches.


Les scènes entières pompées à La Valse des Pantins et le nihilisme sorti tout droit de Taxi Driver ne trompent personne (j’espère).

Il singe, mais sans talent.


Et quel intérêt ici ?

Dans quoi ça s’inscrit ?

Dans rien, c’est gratuit.


C’est fascinant parce que dans le cas de Joker, on imite le cinéma. Et j’ai l’impression que ça résume bien ce que fait DC depuis des années : essayer d’imiter le cinéma, de faire des histoires denses, sombres et psychologiques.


Mais singer quelque chose ne va jamais qu’en refléter la surface.


Ça ne marche pas.


Certains trucs ont fonctionné.

La trilogie de Nolan a fonctionné, bien que le dernier épisode soit un peu inégal. Mais globalement, DC, comme Marvel, ont perdu ce qui faisait l’essence d’un film de super-héros.


Qu’il soit dark ou lumineux, ce qui a toujours fait un super-héros, c’est sa capacité à émerveiller. En tout cas, depuis mes 7 ans, c’est ce que j’ai toujours recherché dans un comic book.


Et c’est précisément pour cette raison que je vais défendre ce Superman corps et âme. J’avais littéralement l’impression de tourner les pages d’un comic book et de prendre toute cette fraîcheur candide et cette lumière en pleine tronche.


Alors oui, on peut analyser ce Superman comme du cinéma et pointer du doigt son côté boursouflé, dispersé, over-the-top. Mais c’est exactement pour cette raison que je l’aime bien.


Évidemment qu’il y a des exceptions, mais un comic book, c’est souvent aussi plein de micro-intrigues un peu aléatoires pour relancer l’attention, de la générosité, c’est boursouflé, et c’est ça qui est fun !


Et le Superman de James Gunn a fait renaître l’enfant de 7 ans dans mon corps de 42.


Et c’est exactement ce que je ne savais pas que j’attendais d’un film de super-héros.

Roberto_Salvador
8

Créée

le 15 juil. 2025

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