C’est un projet que Kristen Stewart a mis des années à faire éclore. Le temps d’abord, de digérer le choc ressenti en lisant « La Mécanique des fluides », les mémoires de Lidia Yuknavitch qui y racontait une jeunesse brisée par un univers familial toxique, entre une mère alcoolique et un père qui a abusé d’elle, puis sa reconstruction par la littérature. Le temps, ensuite, de réfléchir à la façon de s’emparer de cette vie pour la transformer en une fiction et de trouver les financements pour suivre son chemin, tout sauf consensuel, en allant creuser les failles au lieu d’arrondir les angles. Et le résultat impressionne par sa radicalité. C’est en effet un film qu’on ressent physiquement, dans la peau de ce personnage en souffrance, loin de toute psychologisation. Sa mise en scène envahit l’écran dans un geste de plasticienne qui joue en permanence sur les couleurs, la matière et le son où les rapports physiques sont organiques et dénués de tout érotisme.
Kristen Stewart ne cherche jamais à séduire mais à transmettre les sensations les plus désagréables, les plus insupportables. Celles que provoquent l’inceste : la haine de soi et l’envie de disparaître dans le bruit et la fureur notamment.
Ainsi, dans chaque plan, on sent un désir fou de faire du cinéma et d’aller au bout de ses convictions avec la plus solide des partenaires : l’immense Imogen Poots qui campe son héroïne dans un geste où finesse et puissance ne font qu’un. Ce duo-là, c’est du brutal !