En 2012, le grand cinéaste, pur inventeur d'histoires uniques, Paul T. Anderson, passe un cap dans sa filmographie. En effet, le créateur de films osés comme Boogie Nights, poétique comme Magnolia, ou encore fou comme Punch-Drunk Love, semble prendre un virage plus sérieux, presque littéraire. Certes le chef d'oeuvre incontestable qu'est There Will Be Blood aurait pu marquer ce tournant, mais cela semble bien plus évident avec The Master.


Ma question, ma seule question, du moins si je devais en choisir une seule à poser à ce génie d'Anderson, c'est : "d'où sortent ces histoires ?". Il est le seul je pense, Tarantino excepté car son genre est beaucoup plus immature, à écrire des histoires comme celles qu'il nous présente à chacun de ses morceaux de cinéma.
P.T. a beau être un passionné du septième art, piocher quelques références et rendre hommage, c'est en partie sur ces points qu'il rejoint d'ailleurs Quentin Tarantino, il arrive toujours à livrer quelque chose de purement unique, que ça soit scénaristiquement et plastiquement.


The Master n'est pas le plus apprécié par les fans des films du monsieur. Il faut dire que les gourmands de mouvements de caméra comme ceux des premiers titres cités dans cette critique, ou encore des passages grotesques mais jouissifs, de personnages extravagants, et j'en passe, ne sont pas les plus nourris avec cette oeuvre.
En effet, ici Anderson, s'il se targue encore de plusieurs superbes plans séquences, joue admirablement du plan fixe, captant l'essence de ses magnifiques décors, comme ses acteurs et figurants, cachés sous des costumes impeccables. 1950 est la toile de fond de cette histoire, une toile magnifiée par un artiste de l'image. La photographie pétante, aux lumières superbement contrastées, est parfaite, étonnamment léchée pour un film tourné en 35 et 70mm, serait-ce du à la numérisation pour la galette blu ray ?
Une chose étonnante également, ce choix d'une longue focale dans nombreux plans serrés ou autre, une technique qui modernise l'époque du film, comme si nous voyagions dans le temps, ce qui serait en parfait accord avec l'un des sujets du film, le plus mystique.
Jonny Greenwood quant à lui, appose tout comme il avait su le faire sur There Will Be Blood une bande originale aussi gracieuse que décalée, typique des œuvres d'Anderson.


Joaquin Phoenix, qui avait mis sa carrière en péril pour le mockumentary I'm Still Here, ne pouvait pas revenir de sa blague aussi brillamment, sa filmographie a clairement changée suite à ça.
Il est ici comme souvent, possédé par son personnage, allant jusqu'à perdre 15 kilos, ses expressions faciales, la courbure de son dos, tout est minutieusement fait pour incarner ce vétéran du pacifique troublé.
Il trouve face à lui The Master, le Maître, cette sorte de chef de secte presque divin, en la présence de Philip Seymour Hoffman, ami et fidèle de la filmo de PTA, qui signe d'ailleurs son dernier rôle à ses cotés. Il bouffe le cadre par sa présence imposante, son personnage est une énigme, c'est lui qui crée le coté mystique du film.
En effet, cette oeuvre d'Anderson a beau être réaliste, prenant place dans une époque ancrée dans le réel, passée depuis des dizaines d'années, elle n'en reste pas moins fascinante et mystérieuse. En découvrant à la suite du revisionnage du film, les scènes coupées, je me suis rendu compte que celles ci n'ont pas étés coupées au hasard, soit elles n'apportaient rien, soit elles apportaient trop justement, notamment une très surprenante et intrigante qui renforce ce sentiment mystique.
Car Paul T. conte ici l'échouement si l'on peut dire, du fameux vétéran dans une secte, une secte du passé, les vies, l'humanité, et forcément quand on est à la limite de parler réincarnation, on ne peut passer à coté du mystique.
Pour revenir rapidement au casting, Amy Adams complète le trio de tête, quand des certains Jesse Plemons, Laura Dern ou encore Rami Malek s'occupent des seconds rôles.


En bref, le cinéaste épatant qu'est Paul Thomas Anderson nous livre ici une de ces perles dont il a le secret, un film sur la domination, sur l'humain brisé, l'humain questionneur, l'humain tout simplement...

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le 20 févr. 2018

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