Vivons-nous les dernières heures des maverick à Hollywood ? Une question dont la réponse apportée par Tom Cruise semble aussi positive que teintée de mélancolie. En tout cas, si TOP GUN : MAVERICK en est la dernière production, c’est un sacré adieu qui nous a été fait.


Pete “Maverick” Mitchell s’épanouit dans son coin depuis trente ans maintenant. A l’ombre des institutions, il fait ce qu’il sait faire de mieux : piloter. Lorsque l’on vient lui apprendre qu’il sera bientôt mis au placard par la modernité, lui s’envole pour un dernier tour de piste crépusculaire. Et met tout le monde d’accord. Magnifique introduction comme note d’intention. Maverick, c’est Cruise, cette action star vieillissante à l’image et au parcours atypique dans un Hollywood en pilotage automatique. On aurait pu redouter que cette suite tardive verse dans la mode des films de transmission pour relancer la machine ou tombe dans le panneau de la nostalgie ambiante. Fort heureusement, et ce malgré un fan service pas toujours utile ou subtil, ce long-métrage s’intéresse surtout à Maverick et ses tourments, ce que souligne son titre sans équivoque. Maverick/Cruise se trouve face à son passé et tente d’apporter au futur une dernière contribution.


Voilà donc Maverick propulsé instructeur d’une nouvelle génération aussi féroce qu’inexpérimentée. Un rôle qui ne convient pas à ce franc-tireur peu adepte du formatage. Pourtant, cette position inconfortable l’oblige à l’introspection lorsqu'il se retrouve à former un fils adoptif trahi. D’abord esseulé, il parviendra à faire le deuil d’une époque révolue où il était le centre du monde au contact de ce savoureux groupe de jeunes pilotes et un amour passé. Ce lien entre passé et futur structure TOP GUN : MAVERICK, film constamment à la recherche du meilleur à laisser en héritage. L’écriture fait ce jeu d’équilibriste par l’entremise d’une histoire d’amour désuète, pas dénuée de charme, mais laborieuse et une construction scénaristique basique que le propos vient relever. Plus que tout, Kosinski infuse cette notion dans sa mise en scène qu’il tord légèrement. Son sens du cadre, sa symétrie et sa lisibilité demeurent en plus de faire des merveilles, mais la patte de Tony Scott, réalisateur du premier TOP GUN, est toujours présente par petite touche. Quelques scènes, souvent accompagnées de la bande-son originale remixée, font cette transition entre deux époques/générations. Intelligemment, Kosinski compense par sa classieuse modernité la mélancolie qui nimbe l’ensemble de ces scènes et trouve l’équilibre.


Le réalisateur américain parvient ainsi à faire de ce nouveau TOP GUN un puissant divertissement auquel l’aura de Cruise donne de la consistance. Un blockbuster fait avec un amour sincère de cinéma et pour le cinéma tant il se savoure sur grand écran lors de séquences aériennes électrisantes. Ce sont de véritables ballets tant la musicalité de la mise en scène magnifie entraînements et dogfights. Les enjeux de ces morceaux de bravoure sont construits avec soin tant les personnages, servis par des comédiens parfaitement castés et dirigés, sont écrits avec précision. Cet ensemble permet de maintenir le suspens que la lisibilité de l’action entérine en plus d’être épique par ses chorégraphies et autres effets sensoriels. De cette manière, TOP GUN : MAVERICK se veut la superbe mais perfectible synthèse entre le cinéma d’antan, rigoureux, efficace et émouvant, et celui résolument plus spectaculaire et divertissant d’une nouvelle génération. Le tout forme un blockbuster ludique qui n’infantilise jamais les spectateurs en recherche d’actions.


La beauté de cette suite, au-delà de sa mise en scène, se trouve donc dans ce Maverick/Cruise, icône rattrapée par le temps, qui met en action ses paroles. Il lâche prise et passe le relais, certes avec émotion, mais avec enthousiasme quant à la suite.

Seenzek7
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le 6 juin 2022

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