Où ce film nous mène-t-il et quelles sont exactement les vues et intentions non pas seulement cinématographiques mais politiques de celui qui l’a écrit et réalisé ? On peut dès à présent s’en douter, mais ce n’est qu’alors, quand on aura la totalité de la machine de guerre andersonienne qu’on pourra juger des véritables ambitions de son concepteur. Le film présent raconte en effet deux batailles, l’une lançant « la » révolution contre, grosso-modo et pour simplifier, le suprémacisme blanc aux USA (principaux protagonistes : Pat, alias Bob Ferguson joué par DiCaprio et Perfidia, la ô combien brûlante révolutionnaire noire jouée par Teyana Taylor, versus le capitaine Lockjaw joué par Sean Penn et des représentants de l’armée américaine), bataille qui se termine assez mal pour les révolutionnaires, et l’autre, seize ans plus tard, qui remet aux prises Bob Ferguson (qui, lors de la 1ère bataille, était passé entre les mailles du filet répressif) et sa fille Wila (que lui a donnée Perfidia avant d’être "annihilée" par Lockjaw et les forces de l’ordre) versus le désormais colonel Lockjaw qui, espérant une position aussi lucrative que prestigieuse dans un puissant club de suprémacistes blancs, a besoin, pour épurer ses antécédents, de capturer Wila et d’éliminer Ferguson. Voilà, vous avez le pitch du tout récent opus de Paul Thomas Anderson. C’est 160 minutes sur un rythme effréné. Pas un seul temps mort et beaucoup d’action et péripéties parfaitement mises en scène : on s’y croit, même quand on est un blasé du ciné. Les personnages principaux sont vivants, intéressants, remarquablement interprétés, notamment par DiCaprio (drôle, sympa, presque touchant, dans le rôle du gentil blanc révolutionnaire) et Sean Penn (ridicule et haïssable à souhait, dans le rôle du méchant blanc archi réac). Le personnage de Perfidia est, comme son surnom l’indique, ambigu et restera mystérieux et assez peu compréhensible (le scénario la mettant beaucoup en lumière au début et puis curieusement l’escamotant, mieux : l'exfiltrant de l'histoire). Sa fille Wila prend le relais, 16 ans plus tard, dans la deuxième bataille. Elle, c’est une gentille et une énergique qui, au début de son apparition à l'écran, fait un peu la leçon à son "vieux" papa Bob Ferguson, question alcool et cannabis. Il y a d’autres personnages, secondaires et d’un moindre intérêt ; notamment, lors de ce que j’appelle la 2ème bataille, un ancien complice des actions révolutionnaires de Bob Ferguson : Sensei Sergi joué par Benicio Del Toro qui continue son action en facilitant l’adaptation étatsunienne de jeunes immigrants mexicains irréguliers. L'opus, je me répète, est très enlevé, passionnant, drôle (tant Ferguson que Lockjaw ont quelque chose de comique en eux), rythmé, audacieux, voire choquant dans ses situations, ses dialogues (exemple, je cite de mémoire, : « il a sali sa queue en baisant une noire, il va falloir qu’il la nettoie »). Enfin, le film connaît un dénouement logique (que je ne révèlerai pas bien sûr), mais comme l’arc narratif ou transformationnel de certains personnages n’est pas bouclé lors de cette fin, ceux de Perfidia et des chefs du club suprémaciste, mais aussi ceux, on peut l'imaginer, de Bob Ferguson et de sa fille Wila, j’ai le sentiment qu’Anderson a en tête de donner une suite à ces 160 minutes déjà particulièrement pleines... Sauf dans l'hypothèse, peu vraisemblable, où la production ne rentrerait pas dans ses billes avec Une Bataille après l’autre. S’il y a une suite, on verra alors plus clairement où le réalisateur veut nous mener.

Fleming

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