Je dois admettre que je trouve le film légèrement sur-vendu, mais plus j'y pense plus je l'apprécie, et surtout les réactions des différents spectateurs montrent qu'il est sacrément efficace dans ce qu'il cherche à provoquer.
Je ne m'attendais pas à autant de radicalité dans le scénario, mais c'est clairement la narration qui fait la force du film. Avoir un axe aussi pro-révolutionnaire dans une production de ce style, en montrant comment chaque citoyen peut jouer un rôle dans le résistance face à la montée du fascisme, est audacieux. Le film arrive en plus à saisir à la fois la stagnation et le caractère désabusé de ce combat, et comment la modernité le rend encore plus difficile avec toujours plus de moyens de surveillance et de manipulation.
Et surtout, PTA ne repose pas sur le pur script mais arrive plutôt à le magnifier en portant attention aux détails, aux petites batailles, que ce soit dans les profils des personnages et leurs actes (toute la séquence avec les mexicains pendant la traque est vraiment brillante).
Il ne tombe pas dans les écueils évidents et développe des profils ambivalents. DiCaprio incarne un révolutionnaire pataud, dont la femme a fait preuve de courage mais a fini par céder au chantage, Penn est quant à lui un militaire abject dont l'évidente contradiction entre une certaine morale intérieure - consciente ou non - et son besoin de reconnaissance par l'élite résulte en un fétichisime impulsif et ignoble...
Les personnages et camps politiques ne sont globalement pas trop génériques et unilatéraux (à part les élites de l'ombre - mais est-ce faux ?). On montre des personnes racisées qui entretiennent pourtant le système, la révolution est incarnée par un quinquagénaire blanc plein de bonnes intentions mais maladroit, drogué et désabusé... Tout est fait pour donner une image balancée de l'Amérique actuelle, pour qu'on y croie. De même, pas d'optimisme à outrance, puisque les résistants eux-mêmes soutiennent que la situation n'a pas changé - voire empire - depuis 16 ans, mais le film décide quand même de mettre en avant l'entraide, l'empathie et l'amour. Ne jamais abandonner - Viva la revolución !
Bon, assez parlé de la narration, parlons de la pure cinématographie. C'est peut-être ici que j'ai ressenti quelques limites.
Attention, tout est très léché, notamment la photographie et la construction de certains plans. Et quelques séquences sont très prenantes (l'introduction, le passage chez la famille mexicaine, la course-poursuite...).
Mais je trouve que le film aurait pu avoir davantage de singularité dans la mise en scène et l'ambiance. Si le mélange des tons est plutôt bien géré, j'ai eu plus de mal avec le montage (trop frénétique à certains moments) et la musique (trop présente). Anderson n'est jamais aussi bon que lorsqu'il laisse sa caméra trainer, lorsqu'il fait durer ses séquences, mais ici certains passages paraissaient rushés tant il y avait à montrer.
Disons qu'à l'inverse d'Eddington plus tôt dans l'année, je trouve que PTA a un scénario et des parallèles politiques plus audacieux et moins maladroits, mais la force de proposition artistique est un peu plus générique et moins délirante, reposant sur quelques séquences "choc" sans forcément développer une ambiance purement unique ou saisissante de bout en bout.
Ça reste un film très solide, qui surprend par sa témérité dans la satire politique, qui peut sincèrement éveiller certains esprits dans divers camps, et qui a un gros soin apporté à la réalisation - même si ce n'est pas un coup de coeur absolu et sans réserves pour ma part.