Une bataille après l'autre est sûrement le meilleur film de Paul Thomas Anderson. Et sûrement aussi le moins Paul Thomas Anderson de tous ses films. Ceci explique sans doute cela.
Dans cette vaste fresque d'une Amérique disloquée entre mouvements révolutionnaires et armée fascisante, le film nous entraîne presque classiquement dans une quête familiale. La structure narrative n'est pas innovante non plus, avec trois grandes parties : les origines des French 75, la rafle à Baktan Cross, la course poursuite infernale tarantinesque. Mais ce mélange grande bataille - petite bataille est le seul élément véritablement usuel d'un film qui ne l'est pas. A part quelques moments de calmes (réellement bienvenus), les scènes s'enchaînent à un rythme endiablé pendant 2h40, si bien qu'on ne voit pas le temps passer. Tout a été pensé pour donner cette impression de vitesse et de chaos : la diversité des scènes d'action (braquages, courses poursuites, fusillades), les plans rapides et saccadés (une explosion de bâtiment a été filmée pour... 3 secondes d'écran, y'avait du budget), et une musique enfin bien utilisée par PTA, entre dissonances pour le suspense et mélodies plus clinquantes pour l'action (le chemin parcouru depuis l'affreux There will be blood est énorme). Le ton du film alimente sa richesse, et ne se trouve presque jamais : message politique clair contre la dérive d'un pouvoir aux portes de l'extrême droite (et non l'inverse), scènes d'action énergiques, film érotique dans ses premières scènes (y a-t-il une révolution qui ne soit pas aussi sexuelle ?), drame familial classique, et scènes véritablement comiques (la secte d'extrême droite, les codes secrets révolutionnaires, et l'entièreté du personnage de Sean Penn). On regrettera quand même quelques ellipses trop rapides, évidemment nécessaires pour éviter un film fleuve en proie à la divagation. Mais le délitement de la famille nucléaire, notamment l'épisode intense de dépression post-partum de la mère, puis la dépression rampante du père ayant éduqué seul sa fille auraient mérité un développement supplémentaire : ces batailles-là aussi avaient leur importance.
Le film est surtout porté par de splendides acteurs. Si les personnages principaux sont tous excellents (la mère Teyana Taylor, la fille Chase Infinitia, le père Di Caprio et Benicio del Toro - sensei), un s'extrait naturellement de la meute : Sean Penn, pas loin de jouer le meilleur rôle de sa carrière dans ce contre-emploi. Et rares ont été les acteurs et actrices à pouvoir autant voler la vedette à Di Caprio... En vieux commandant autoritaire, fasciste, torturé, libidineux, sadique, effrayant, et ridicule malgré lui, quelque part entre Rambo et Docteur Folamour, il est absolument parfait. Et probablement en route pour un Oscar mérité, qui ne sera pas la seule pour le film. Mais doucement, comme on dit, une récompense après l'autre.