De l’impossibilité de faire un film politique et féminin.

Quand Phantom Thread puis Licorice pizza sont sorti, je m’étais déjà dit qu’il fallait absolument que je revoie la première partie de filmographie de Paul Thomas Anderson, de Boogie nights à The master – il faut aussi que je découvre son tout premier film, Hard eight. Promis je vais m’y coller bientôt.


Deux films – ses deux précédents donc – que j’ai littéralement adoré tandis que PTA et moi c’était jusqu’ici sans réelle passion : mais avec parfois un peu d’admiration, pour There will be blood ou Magnolia, par exemple, mais je ne les ai jamais revus.


Une bataille après l’autre s’inscrit plutôt dans la roue d’Inherent Vice – autre adaptation de Pynchon. C’est peut-être bien le moins bon de ses quatre derniers films, mais purée quel plaisir de cinéma, encore. Et de cinéma hollywoodien car c’est de très loin son plus cher.


C’est une sorte de polar, de farce politique, de film d’action et de mélodrame familial. J’adore sa longue introduction, calibrée sur le personnage de Perfidia, son aspect hyperactif, la dimension révolutionnaire, puis la rupture à la fin de la première partie. Tu peux faire un film avec ça ou bien une sorte de mise en bouche. PTA te fait une demi-heure. C’est déjà une anomalie.


J’adore sa façon de rebondir, quinze ans plus tard, aux crochets de Bob (DiCaprio toujours parfait) et sa léthargie en robe de chambre (qui semble faire écho aux personnages de The big Lebowski et à celui de The social network) qui part à la recherche de sa fille kidnappée, mais qui ne se souvient plus des codes lui permettant de renouer avec les French 75, organisation révolutionnaire pour laquelle il était jadis expert en explosifs. C’est génial et cela occasionne la plus belle « séquence » du film aux côtés de Sensei (immense Benicio del Toro) le prof de karaté de sa fille.


Je suis moins convaincu par ce que fait PTA du camp adverse, ces fameux aventuriers de Noël – un groupe de néo-fascistes grosso modo – malgré le colonel suprémaciste joué par un Sean Penn halluciné. Mais le film file vers une fermeture folle, une course poursuite bosselée et downtempo comme on n’en avait jamais vu.


Mais surtout, le film m’a intéressé en tant qu’objet théorique sur l’impossibilité – pour PTA et pour le cinéma américain de manière générale – à filmer la révolution qui plus est par le prisme féminin. À faire un vrai film politique, en somme. Il le fait donc pendant une demi-heure puis l’abandonne – la politique et son personnage féminin – au profit de Leonardo DiCaprio. Comme s’il n’y avait plus que lui à filmer aujourd’hui, dans un circuit de cinéma très normé qu’est le cinéma américain à gros budget. Malgré tout, le génie du film est de faire en sorte qu’on n’oublie jamais ce personnage de Perfidia. On ne la revoit pas mais elle est absolument partout.


Bon, au-delà de ça, je ne pense pas que ce soit un PTA très passionnant à analyser, il est sans doute trop littéral, trop clair dans ses intentions, peut-être construit pour plaire avant tout, construit pour n’être qu’un super divertissement. Et c’est déjà pas mal !

JanosValuska
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