Avec toute la subtilité et la délicatesse qui la caractérisent, Naomi Kawase fait de Vers la lumière une de ses plus belles œuvres.


Misako, est une jeune femme audiodescriptrice. Son travail consiste à voir un film et le décrire dans sa totalité. Durant plusieurs sessions avec un groupe d’aveugles qui la conseille, elle se voit confrontée à Nakamori (fascinant Masatoshi Nagase, tout en retenue) un photographe en train de perdre la vue. Ce dernier, encore capable de voir au niveau du haut de ses yeux, ne cesse de remettre en question le travail de la jeune femme. Tandis que la vision de Nakamori se dégrade, Naomi Kawase passe par beaucoup de délicatesse pour la représenter ; un fond jaune pâle, avec quelques pointes de couleurs apparaissant. Au fur et à mesure, l’unique zone se rétrécit, jusqu’à disparaître entièrement, laissant avec un sentiment des plus tragiques. La réalisatrice parvient en effet à créer une empathie forte pour son personnage, qui en dépit de son attitude parfois rude (mais compréhensible) n’en est pas moins touchant. Face à lui, Misako (sublime et lumineuse Ayame Misaki), développe un attachement et part à la découverte de cet homme sur le point de perdre ce qu’il a de plus cher. Kawase livrant là une métaphore – celle de son appareil photo, comme un cœur qu’on lui arrache – absolument magnifique.


Au-delà du développement de ses personnages, que Kawase suit avec toujours autant de subtilité, livrant de grands moments visuels, jamais grossiers (un rayon de soleil capté à merveille, qui se répercute sur le visage des comédiens), Vers la lumière est un film qui parle de cinéma. Par le travail de Misako, et les remarques qu’elle reçoit durant les projections, Kawase exprime comment une œuvre peut être analysée, et révéler ainsi ses intentions. Cela en exprimant, bien sûr, la nécessité pour son héroïne de ne pas influencer l’imaginaire des spectateurs aveugles, sans pour autant trop délayer. Ainsi, les symboliques du film, décrites par Misako, répondent directement, autant au cinéma de Naomi Kawase qu’à la situation de ses personnages. Joliment accompagné par la composition d’Ibrahim Maalouf (notamment au piano), Vers la lumière offre un lot d’émotions qui mène à de grands moments de grâce.


Par Pierre Siclier pour Le Blog du Cinéma

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le 5 juin 2017

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