Le lien entre frères est quelque chose d'étrange. A la fois incassable et fragile comme du verre. Voir un frère s'éloigner, c'est perdre un espace de complicité qui vous suit depuis l'enfance. Sans esquiver la réalité des rivalités et des conflits qui rythment inéluctablement la relation, on peut difficilement se résoudre à le voir partir. Car il est ce compagnon des premières fois, ce meilleur ami inavoué, ce regard bienveillant et surtout, ce camarade d'aventure.

L'interdépendance est inscrite dans leurs échanges dés l'instant où l'ainé, bien qu'il fut dégouté à la vue de son petit frère sorti du ventre, donne le biberon à son cadet. Ce lien ne fait que s'épaissir de jour en jour, tandis que lorsque pointe l'adolescence, on tente de faire naitre et d'entretenir une pudeur feinte qui servira d'armure pour encaisser la violence du départ de l'ainé. Le foyer se vide, mais les souvenirs restent, certains douloureux, d'autres teintés d'une épique fierté, comme celui où vous aviez monté votre premier robot à deux à l'age de dix ans. Ou bien lorsque vous vous étiez découvert une passion commune, prétexte à passer du temps ensemble plutôt que dans le froid de la solitude.

Avoir un frère, c'est avoir connu très tôt et en permanence le sentiment déchirant de culpabilité que la jalousie sans borne engendre fatalement. C'est également avoir expérimenté cette peur perforante de perdre son seul interlocuteur privilégié et compatissant à cause d'une querelle qui n'en valait surement pas la peine. Avoir un frère, ça t'apprend la vie, et ça te protège de ses travers. Ça révèle ce qu'il y a de meilleur en toi, mais matérialise également tes démons les plus effrayants. On se radicalise, on s'isole, mais ce n'est jamais que pour un temps. On préfère souvent récolter les fruits si délicieux de la coopération. Il s'agit d'un partenaire plus que de la famille ; d'une seconde conscience plus que du sang.

Tout ça, Brothers: A Tale of Two Sons me l'a fait remonter à la gueule. Ça te prend aux tripes, ça te serre le cœur, ça te coupe le souffle. Pendant qu'on enterre les rémanences de l'enfance partagée, on ne sent pas les larmes couler, car on ne trouve pas leur signification. De la nostalgie ? De la douleur ? Des remords ou des regrets ? Peut-être un peu de tout ça à la fois. Ce qui est sûr, c'est que c'est intense, perçant et brulant à la fois. Viscéral.
DocElincia
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le 2 janv. 2014

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DocElincia

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