Dragon Quest II
6.4
Dragon Quest II

Jeu de ChunSoft et Enix (1987NES)

Dragon Quest 2 voit plus grand, plus grand que ses moyens

Dragon Quest 2 voit plus grand, plus grand que ses moyens

Le premier Dragon Quest fut un formidable succès commercial qui appelait à une suite qui n’a donc pas traîné, apparue seulement 8 mois après la sortie du premier épisode, ne laissant donc pas le temps à la concurrence de proposer leur alternative, et toujours réalisé par la même équipe dirigée par Koichi Nakamura. Dans un contexte de développement si rapide, il paraît difficile de réaliser une formidable évolution dans la formule mais c’est pourtant ce que l’on pourrait attendre d’une suite de RPG, d’autant que le double de place sur la cartouche et les idées abandonnées pour le premier opus qui ne demandent qu’à être reprises laissaient de quoi espérer.


La critique étant longue, je vous propose durant la lecture l’écoute d’Endless World en version orchestrale pour vous mettre dans l’ambiance.


GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★☆☆☆☆


La première grande nouveauté c’est le recrutement d’alliés qui permet de contrôler non plus un personnage ultra-polyvalent mais une équipe avec des rôles bien précis pour chacun, en l’occurrence, un guerrier pur, une magicienne pure, et un entre-deux, ces différents types d’attaques et d’équipements exclusifs à chaque classe permettant d’enrichir le gameplay. Alors ça manque encore d’équilibrage, typiquement le nouveau perso recruté arrivant dans l’équipe niveau 1, il est d’abord un boulet faisant baisser le niveau de l’équipe avant d’obtenir les statistiques suffisantes pour encaisser quelques coups sans trépasser. On a une équipe équilibrée assez rapidement mais tout de même, indexer le niveau des recrues sur celui du héros n’aurait pas été un mal par exemple.


Ça manque aussi de maîtrise de jeu avec des sélections de cibles un peu trop aléatoires provoquant un manque de coordination inévitable des attaques de l’équipe, mais le problème reste limité avec la possibilité de mettre les alliés en danger en position de défense et les groupes d’ennemis pouvant être ciblées en une attaque. Ces même groupes assez variés ont le mérite désormais d’entraîner plusieurs situations de jeu renforçant l’aspect stratégique des combats avec des ennemis se soignant entre eux, renforçant leurs statistiques… et une gestion des attaques collectives ou individuelles.


C’est pareil pour la non-linéarité de la progression dans l’aventure qui finit par nous faire jouer des heures dans des zones en réalité trop haut niveau ou nous faire débloquer de l’équipement à un moment où il est déjà devenu obsolète. Il me paraît très difficile d’avoir une progression fluide sans consulter une solution tant les indices des PNJ sont éparpillés sur toute la carte quand ils ne sont pas trop cryptiques pour être compris, et carte que l’on ne peut pas consulter en jeu bien entendu. Il y a donc pour moi une réelle ambition parfaitement respectable et une évolution intéressante des mécaniques de jeu pour cet épisode mais le faible temps de développement se sent bien dans la qualité finale de la proposition, encore un peu bancale bien que tout à fait méritante.


Deux fois plus long que son prédécesseur, le manque de temps de développement se fait là aussi sentir avec une partie de cette durée de vie qui s’explique par de plus longues phases d’entraînement un peu redondantes. Elles ont tout de même le mérite d’être très correctement réparties sur une bonne partie de l’aventure, elles sont nombreuses, elles sont longues mais elles sont ainsi également régulières, sans grands pics de difficulté sortant de nul part quand on suit une progression cohérente, donc avec une solution sur les genoux, avec toujours de nouvelles zones dans lesquelles s’entraîner. Il y a néanmoins une exception de taille à cela : la fin du jeu, où ils se sont permis de plomber le rythme avec un labyrinthe bourré de pièges vicieux, des derniers ennemis et une série boss finaux pouvant être beaucoup trop dangereux ou endurants en raison de l’aléatoire, même quand on est au niveau maximal, c’est l’un des passages les plus ardus de toute la saga.


Pour l’ergonomie, quelques légères améliorations se font sentir discrètement ici et là, comme l’utilisation des escaliers et des portes plus fluide que dans le premier opus, même s’il reste des lourdeurs inutiles qu’il serait bon d’effacer pour plus de confort et que le système de coéquipiers en amène de nouvelles, notamment la gestion des inventaires respectifs avec un système d’échange un peu laborieux pour s’en sortir. De plus, les statistiques de certains équipements peuvent manquer de clarté avec des armures offrant des bonus évasifs pour compenser leur manque de points de défense. Vous l’aurez compris, peu importe où mon regard se porte sur la partie ludique du titre, de nouvelles idées, des ambitions, mais pas la maîtrise suffisante, et ce n’est pas le seul domaine dans lequel ça se vérifie.


SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★☆☆☆☆


Le prologue d’une surprenante intensité dramatique et d’une bonne maturité m’a vraiment fait pensé l’espace d’un instant que j’avais totalement sous-estimé comment le jeu pouvait évoluer sur la question du scénario avec cet épisode, mais ce n’était que pour laisser aussitôt place à une succession d’allers-retours et de quêtes fédex pour un rythme beaucoup plus monotone sur la plus grande partie de l’intrigue. Ça se vérifie sur toute l’aventure où on a beaucoup plus de péripéties intermédiaires dans la quête principale que l’épisode précédent mais celles-ci sont bien peu mémorables.


Un exemple qui dit tout, dès le début le recrutement du premier allié semble être une quête faite pour nous narguer en nous demandant continuellement d’aller au dernier endroit où il a été vu, endroit où on nous en indiquera un autre jusqu’à revenir au point de départ. J’ai eu l’impression qu’en se donnant comme mission de plus scénariser, ils se sont finalement imposé une contrainte qu’ils n’ont pu résoudre autrement qu’en écrivant à la va-vite des quêtes pour qu’il n’y ait pas de trous dans le scénario alors qu’il n’y avait visiblement rien à raconter, sans doute par manque de temps.


Tout n’est pas à jeter pour autant, j’apprécie par exemple beaucoup plus le recrutement du deuxième personnage allié avec cette malédiction à résoudre. Cette histoire fait un peu conte pour enfant tout mignon mais elle a son charme, charme qui commence à être instauré comme standard de la franchise. Si une fin alternative plus sombre que l’originale a été réfléchie, elle a quant à elle été abandonnée par manque de courage, l’équipe préférant finalement maintenir une ambiance joviale et insouciante qu’elle aimerait instaurer pour la suite de la saga. Pour être honnête, je n’apprécie pas réellement ce tournant et préfère ainsi le scénario du premier épisode bien que celui-ci soit beaucoup plus simpliste, lui qui avait plus d’audace sur la question.


Une vraie évolution à ce sujet avec cet épisode serait davantage en lien avec la très grande extension de la carte qui s’est tout naturellement accompagné d’une extension de l’univers avec beaucoup de villages aux ambiances différentes en allant discuter avec les PNJ, des villes souterraines, des villages de pécheurs coupés du reste du monde… Le sentiment d’aventure est bien là avec cette liberté d’explorer un monde si vaste recelant tant de secrets, d’autant que la discussion avec les PNJ est réellement encouragée pour progresser et avec en bonus le rappel régulier à l’histoire du premier opus, mystifiant ce que nous y avons accompli.


Par ailleurs, en reprenant le système de nom du premier jeu, la détermination aléatoire du nom des coéquipiers parmi une liste est une idée assez sympathique je dois dire, permettant de personnaliser un petit peu plus sa partie, même si ça ne se mêle pas à un quelconque potentiel de rejouabilité, c’est juste là pour être original. Dans l’ensemble, tout comme la partie ludique, je vois bien de nouvelles idées et ambitions mais la qualité globale est insuffisante pour moi, voyons si réalisation et esthétisme sauront tirer leur épingle du jeu.


RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★☆☆☆☆


La réalisation du premier Dragon Quest était encore de qualité moyenne, tout particulièrement la version japonaise originale, et si les petites saccades de l’ancien épisode ont été corrigées, que le regard des personnages suivent désormais bien leur mouvement... La grande évolution technique serait celle de la taille de la map qui reprend celle de Dragon Quest pour n’en faire qu’une petite partie d’un monde beaucoup plus vaste avec d’immenses océans, de grandes chaînes de montagnes, plein de petites îles isolées, des hautes altitudes enneigées…


Il y a eu un vrai travail pour la géographie de ce monde et c’est une vraie évolution, aussi bien pour la saga que pour le genre du JRPG. Une autre évolution intéressante serait le chara-design de Toriyama qui profite de plus de détails à l’affichage, notamment pour les monstres avec des rendus de fourrure, des peaux à l’allure plus brillante… une série de petites améliorations graphiques qui rentrent tout à fait dans le cadre de ce que je pouvais attendre de cette suite qui ne peut être que modeste sur ses aspects en si peu de temps de développement sur une même console.


La démultiplication des sprites sur l’écran de combat, allant jusqu’à 8, n’a pu se faire quant à elle qu’au détriment de la disparition des fonds de couleur selon l’environnement, systématisant le fond noir. D’une part, ça rejoint ce que je disais pour le premier épisode, soit tu fais un fond s’adaptant toujours à l’environnement plutôt que de façon bancale, soit tu mets un fond noir et tu te concentres sur autre chose, et Dragon Quest 2 a le mérite d’avoir tranché la question. D’autre part, cela signifie tout de même qu’une évolution peu significative n’a pu se faire qu’au prix d’un compromis, pour une suite ce n’est vraiment pas glorieux.


Le moteur de jeu est utilisé assez rapidement à des fins de mise en scène assez légère mais réelle avec des combats entre personnages, des déplacements laborieux suite à des blessures… mais il est dommage que cela se retrouve si peu dans l’ensemble de l’aventure. En dehors de quelques fulgurances, comme la montée des eaux pour ouvrir de nouvelles voies de navigation, ce qui a tout de même le mérite d’être un peu plus ambitieux que l’ouverture d’une porte, la réalisation ne semble pas plus ambitieuse que Dragon Quest 1 pour mettre en scène les événements les plus importants de l’intrigue.


L’OST, toujours composée par Koichi Sugiyama, reprend les grands thèmes du premier opus tels que la marche d’ouverture ou le thème des donjons tout en y ajoutant ses propres thèmes plutôt réussis et en adéquation avec l’ambiance d’aventure guillerette du jeu. Ça manque toujours un peu de contenu et ne tente pas de s’illustrer dans des registres mélancoliques ou anxiogènes pour diversifier, mais avec si peu de temps de développement là encore, rien d’étonnant. Je suis bien conscient de l’avoir pas mal répété dans la critique, c’était voulu, et je vais même le faire en encore une fois pour conclure.


CONCLUSION : ★★★★★★☆☆☆☆


Moi qui craignait une suite peu ambitieuse et bâclée, je dois reconnaître mon erreur : Dragon Quest 2 est tout à fait autre chose. C’est une proposition ambitieuse avec des idées nouvelles pour diriger la saga vers de tous nouveaux sommets bien qu’elle ne parviendra pas à les atteindre pour cette fois. Par manque de temps et de maîtrise, les mécaniques de jeu deviennent contraintes, les avancées techniques nuancées, les évolutions scénaristiques sous-exploitées… mais la voie tracée est prometteuse et le très bon succès critique et commercial, à peu près égal au premier épisode, appelle à une nouvelle suite qui pourra la suivre.

damon8671
6
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le 22 juin 2022

Critique lue 14 fois

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