Carte postale d’Ebisugaoka

Chers tous,

Je suis bien arrivé à Ebisugaoka. J’avais besoin de quelques jours pour prendre de la distance avec le mont Yotei qui, bien que très joli, commençait à me lasser avec ses activités répétitives… J’avais beaucoup aimé mes vacances dans la bourgade de Silent Hill durant mon adolescence autour des années 2000 et en voyant le nom « Ebisugaoka » j’y ai vu un signe. En effet le nom de cette ville combine Ebisu (恵比寿), dieu de la chance et de la prospérité qui avait la particularité d’être sourd (Silent), et gaoka (が丘 ou ガ丘), qui signifie "colline" (Hill). Ma première surprise aura été de constater à quel point ce lieu est beau, honnêtement je n’en espérais pas tant. Il faut dire que la campagne japonaise a toujours bien fonctionnée sur moi. Entre les vestiges d’anciennes croyances locales et cette cohabitation entre les habitants et la nature environnante ça a un charme fou. On y perçoit une forme de spiritualité et de respect du monde dans lequel on vit qui moi, me parle énormément.

J’ai pu faire la connaissance d’un petit groupe d’étudiant plutôt éclectique. Shimizu Hinako, Iwai Shu, Nishida Rinko ainsi que Igarashi Sakuko.

Hinako semble triste, comme si elle portait beaucoup de tracas sur ses frêles épaules. Elle a l’air d’avoir une relation d’amitié spéciale avec Shu, un jeune garçon qui a quelques connaissances en médecine car il descend d’une famille de médecins. Rinko, elle, a l’air d’une fille respectueuse des traditions, sérieuse, probablement trop ce qui lui donne un coté rigide. Sakuko est la fille du prêtre du temple local. Apparemment un grand arbre millénaire était juste à coté et beaucoup considérait cet arbre comme une source de pouvoirs et de croyances. Mais un jour la foudre frappa l’arbre qui prit feu ce qui affecta lourdement la fréquentation du temple qui fut relocalisé au nord de la ville. La croyance en le dieu renard Inari succéda à celle envers l’ancien arbre sacré. C’est aussi ça voyager : s’intéresser à la culture de l’endroit que l’on visite en glanant quelques récits des locaux.

On m’avait promis un trip horrifique singulier et les quelques photos semblaient aller en ce sens. Une belle direction artistique mélangeant la flore et la chair purulente, les temples et les rites païens ou encore une frontière floue entre le réel et l’irréel. Et bien on ne m’a point menti car s’il y a une qualité indéniable c’est celle la. L’ambiance est pesante et suffocante. Peuplée de créatures qui mettent mal à l’aise autant qu’elles renferment de symbolisme comme on l’attendrait d’un récit estampillé « La colline silencieuse ». J’aurai probablement apprécié qu’il y en ait deux ou trois de plus pour avoir légèrement plus de variété dans le bestiaire mais très franchement ça fonctionne si bien que je ne peux leur en vouloir. Certaines étapes me resteront fortement marquées pendant un bon moment.

Ce genre d’ambiance m’a rappelée à quel point les Fatal Frame ou les Forbidden Siren manquaient dans le genre horrifique d’aujourd’hui.

Bref Hinako et moi nous sommes rapidement retrouvés isolés des autres et avons du prendre les armes pour pouvoir avancer dans les ruelles de notre petite bourgade. Seulement voila, elle c’est une lycéenne chétive et en cela ses mouvements ont pas mal d’inertie. Pour une raison que j’ignore elle a souhaité utiliser des contres, des esquives parfaites ou encore gérer son endurance alors que ce n’était franchement pas utile. Alors je lui ai dis « Tu fais quoi ma grande on est pas dans Dark Souls la ! Tu sais quand j’étais avec James à Silent Hill par exemple il n’y avait pas de tout ça, il était nul aussi au combat mais on s’en foutait car le cœur du voyage était ailleurs ». Je lui ai alors enseigné comment on esquivait tous ces immondices en lui précisant que le combat était le dernier recours. En plus vu que les armes de fortunes cassent ça faisait une raison de plus de s’économiser. Malheureusement pour nous le dernier tiers de notre aventure nous a imposé quelques combats de trop alors on n’a pas vraiment eu le choix. Ça a eu pour effet d’exacerber mon ressenti que tout ces systèmes liés aux affrontements étaient complètement bancales (optez pour le mode histoire des combats et difficile des énigmes). En essayant de s’inscrire dans des tendances de game design qui ne lui vont pas on a la sensation, au mieux, d’un hors sujet sur cet aspect surtout lorsque c’est fait de façon vieillotte. « Je ne dirai pas que c’est un échec je dirai que ça n’a pas marché » disait un homme d’extrême mauvaise foi…

A plusieurs reprises Hinako a perdu connaissance et à chaque réveil elle me racontait ses rêves étranges. Apparemment dans ceux-ci elle arpentait un temple avec un guide mystérieux et elle avait un besoin irrépressible de le suivre… Plus elle m’en racontait, plus ceux-ci s’avéraient glaçants… Pourtant j’ai l’estomac bien en place généralement. Spoiler :

Ça fait plaisir de voir un projet qui va au bout de sa vision d’auteur quitte à choquer. Ryukishi07 avait déjà traumatisé pas mal de monde avec son Visual Novel Higurashi AKA Le Sanglot des Cigales. Pour ma part je ne le connaissais pas mais je comprends mieux les attentes qui étaient placées en lui.

Au fil de notre périple j’ai appris à mieux comprendre Hinako. Il est vital de lire son carnet pour mieux cerner les contours de ses tourments d’ailleurs. Les documents parsemant la ville sont tout aussi précieux car ils donnent beaucoup de pistes de compréhensions, de déductions et de spéculations… Son récit est tout aussi nécessaire qu’il est malheureusement intemporel. La thématique centrale peut parfois sembler un peu trop appuyée (la description du père d’Hinako dans son carnet c’était vraiment caricatural comme entrée en matière) mais en réalité c’est un piège de l’auteur... Pourtant à la (première) fin une certaine part du mystère subsiste et Hinako m’a promis qu’elle m’en dirait plus lors de mes prochaines visites. Les clefs du mystère étant conditionnées à plusieurs NG+. J’ai acquiescé poliment pour ne pas la blesser mais en réalité tant d’autres voyages m’attendent encore dans mon backlog que ce ne sera pas pour tout de suite.

MESSAGE DE L’OFFICE DE TOURISME D’EBISUGAOKA.

Notre ville vous accueille toute l’année ! Profitez de sa végétation luxuriante, incontrôlable et létale. Son brouillard maléfique vous pourchassera sans relâche où que vous soyez. Vivez l’expérience de façon fluide sur PC ou avec des chutes de framerate violentes sur PS5 (Pro me concernant) lorsque vous bougez trop la caméra (va falloir un patch les gars !). Venez rencontrer nos habitants passés maitre dans l’art de vous transpercer avec toutes sortes d’objets tranchants. Jouer à cache cache dans les champs, résoudre des énigmes ou encore visiter nos temples ne sont la que quelques unes des activités revigorantes à votre disposition… A bientôt !

Silent Hill F est un jeu d’auteur, d’horreur et d’erreurs.

Dans la série, les combats ont toujours était brouillon, désagréable, rigide… Ce sera encore le cas cette fois. La gestion d’inventaire frustrante, la aussi vestige d’un genre qui a toujours demandé de jouer avec la place disponible. Le dernier tiers et ses foutus arènes qui fatiguent et alourdissent le rythme alors qu’on est dans une montée de tension finale…

Pourtant joueur de l’école du gameplay avant tout je suis face à un des très rare cas où je n’en tiendrai pas rigueur dans ma note. Par tradition d’un gameplay de combat éclaté mais aussi par conciliation face à la qualité du voyage d’un point de vue purement sensoriel. J’ai simplement aimé ce que le jeu me racontait, comment il me le racontait et le charme du folklore local. C’est ce qui le rend particulièrement difficile à noter car c’est la sensibilité à toute ses formes de narration (personnages, dialogues, documents, narration environnementale, bestiaire, ambiance etc....) qui fera basculer votre opinion. C’est un jeu qui va résonner très fort chez certains (moi) mais en laisser de marbre d'autres. Une résonnance qui permet de passer au dessus de certains écueils en se disant que ça valait quand même le coup. Au contraire s'il ne vous touche pas vous risquez de ne le voir que comme un jeu bancal.

Pour ma part, je n’ai vu que la première fin mais pour le moment cela me suffit. J’accepte de ne pas tout connaitre car je pars du principe que le mystère a souvent plus de charme que sa résolution. J’aime la beauté des fins ouvertes, des questions sans réponses, des énigmes insolubles. Je vais le laisser vivre tranquillement dans ma tête jusqu’au jour où cette énigme me rappellera à elle. J’ai cru comprendre que les autres fins apportaient beaucoup de nuances. Cela me permettra surement de confirmer quelques doutes sur certains points de vus et d’apporter un autre regard sur certains personnages… En attendant, le récit conservera son légendaire brouillard afin que je tente moi-même d’en combler les trous… jusqu’à ma prochaine visite.

Vous savez, il y a une superstition qui s’est répandue dans le collège d’Ebisugaoka. Lorsque vous avez de la rancœur pour quelqu’un vous devez l’écrire sur un bout de papier et en faire un Origami en forme de renard. Abandonnez cet origami quelque part et si quelqu’un le retrouve et le lit alors votre rancune s’envole. J’ai écrit sur un bout de papier « Silent Hill F : système de combat pas hyper judicieux et trop de combats forcés dans le dernier tiers » puis j’en ai fait un origami renard et l’ai laissé quelque part. Vous savez quoi ? Quelqu’un a du le trouver car j’ai décidé que je lui mettrai un 8 malgré tout.