22 + 11 + 63 = 96% de pur plaisir !

Hurlons avec les loups, ces animaux souvent associés à la littérature d’épouvante porteront sûrement chance à Stephen King : on pourra reprocher à l’auteur américain d’avoir choisi la facilité en s’emparant d’un événement qui, ad nauseam, a fait l’objet de tous les fantasmes littéraires et cinématographiques. A force de voir Kennedy trouver la mort dans des circonstances aussi troublantes qu’improbables (Watchmen, JFK, X-Men), on en oublierait presque que la version officielle fait toujours d’Oswald le seul assassin de John Fitzgerald Kennedy (vous êtes sûrs que Magnéto n’y est vraiment pour rien ???)


Il est fascinant de voir réalisateurs et auteurs rivaliser d’imagination quand il s’agit de trouver un moyen original de voyager dans le temps. Après l’auto-hypnose de Bid Time Return (Richard Matheson), le caisson qui diminue la masse dans Primer (Shane Carruth qui ne nous prend malheureusement pas pour des imbéciles), le jacuzzi de l’hilarant Hot Tub Time Machine (Steve Pink), quoi de plus naturel, pour faire un saut en 1958, que de pénétrer dans… l’arrière-fond d’un boui-boui du Maine (bien sûr !).


Le pitch de 22/11/63 est d’une simplicité confondante : Jake est un prof d’anglais sans histoire, tout juste divorcé, qui se laisse tenter par un voyage dans le temps pour empêcher l’assassinat du locataire de la Maison Blanche.


Simple, plaisant, convenu. Mais l’essentiel du livre n’est pas là.


Il n’est pas non plus dans ce portrait pourtant juste et saisissant de l’Amérique des années 50/60, de la Guerre froide, des jukebox, des diners et des oldies entrainants. Quelque cinquante ans séparent cette société aux mœurs foncièrement différentes de la nôtre. Si peu et pourtant une éternité. Ne vous attendez pas pour autant à croiser un Marty McFly : l’uchronie de King tranche singulièrement avec l’image des Fabulous Fifties de Back to the Future, la référence pop cinématographique qui baigne dans une insouciance insolemment roborative. Ici, la violence est omniprésente, à tous les chapitres, sous toutes ses formes.


Il l’est encore moins dans la quête obsessionnelle de Jake qui gagne peu à peu la confiance d’Oswald afin d’empêcher un acte qui serait – d’après Al, l’ami de Jake – la source de tous les maux sociétaux actuels (contestable mais recevable).


L’essentiel est ailleurs, là où on n’attend pas nécessairement King.
Le livre devient brillant quand il s’appesantit sur la relation que tisse Jake, le prof d’anglais raté de 2011, avec Sadie, la bibliothécaire torturée de 1958. Il y a de l’humour (beaucoup), de la tendresse (souvent), de la passion (énormément). C'est une bouleversante et poignante histoire d’amour, empreinte d'une résonance tellement actuelle qu'elle parvient à tenir le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page. Ne nous y trompons pas : 22/11/63 est avant tout centré sur cette très belle confrontation temporelle, générationnelle - in fine culturelle -, cette rencontre de deux personnes que le destin et l’histoire (et c’est un thème central dans le livre) mettent un point d’honneur à réunir malgré le maelstrom d’événements perturbateurs.


Il y aura toujours des pisse-vinaigres, des peine-à-jouir, des contradicteurs compulsifs ou bien tout simplement des rétifs à l’œuvre magistrale de Stephen King. Trop scénarisé, pas assez littéraire, trop oralisé, pas assez écrit…
D’aucuns éprouveront vraisemblablement aussi un plaisir coupable à savourer 22/11/63 en se cachant derrière la formule déclinable à l’envi : n’est pas Poe (ou Lovecraft) qui veut ! Ce à quoi il faudra toujours rétorquer par une autre formule, cette fois-ci résolument unique : Le roi Poe est mort, vive le roi King !

Juwain
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le 20 oct. 2015

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