Recherchons Einstein de l'évolution (Urgent ! )

« Natura non facit saltus » Gottfried Leibniz.


« Le nombre de formes intermédiaires constituant les chaînons de transition entre toutes les espèces vivantes et les espèces perdues a donc du être infiniment grand ; or, si ma théorie est vraie, elles ont toutes du vivre sur la terre » Charles Darwin.


Michael Denton, biochimiste et généticien, spécialiste de la génétique des yeux, présente dans cet ouvrage sa conviction profonde : la théorie synthétique de l’évolution est incapable de rendre compte, dans l’état actuel de nos connaissances, de l’ensemble des processus évolutifs. Denton n’est pas "créationniste", la parenté des espèces étant une réalité incontestable le "fixisme" est une attitude antiscientifique. Son essai propose plutôt une remise en cause des deux axiomes fondamentaux du darwinisme : l’évolution se déroule graduellement et s’effectue par les seuls mécanismes du hasard et de la sélection naturelle. Je vous relate ici des points clés de son raisonnement en espérant vous inciter à creuser le sujet par vous-même.



I. La vérité partielle du darwinisme



Denton ne rejette pas la spéciation : Darwin à bien montré, en étudiant les pinsons des Galápagos, les mécanismes à l’œuvre dans l’évolution. Un isolement géographique combiné à des mutations sélectionnées (avantageuses) peut déboucher sur la différenciation de plusieurs espèces à partir d’une espèce ancestrale unique. Sur la base d’arguments divers (comme "l’homologie", voir le point IV) Darwin extrapole alors de la "micro" à la "macroévolution" : la frontière des "familles", des "ordres" et des "classes" est franchie de façon tout aussi graduelle que celle des espèces, avec pour moteurs le hasard, la compétition entre les espèces et l’environnement. Denton attire notre attention sur le fait que, de par sa nature, la macroévolution est impossible à expérimenter et ne se prête pas à l’observation directe. Darwin en avait bien conscience et reconnaissait que ses raisonnements prenaient parfois la forme de spéculations : il comptait sur les découvertes scientifiques futures pour confirmer certaines de ses intuitions. Or, le cas est fréquent en histoire des sciences : extrapoler de manière globale une explication valable à une certaine échelle mène souvent dans une impasse. L’objectif de Denton est donc de voir si la validité du darwinisme tend depuis lors à être confirmée ou non par les faits empiriques : croire que le darwinisme a été prouvé dès 1859 est donc une erreur grossière.


Pour Michael Denton il n’existe que deux façons de procéder pour démontrer la solidité de la théorie darwinienne : trouver de nombreux fossiles intermédiaires conduisant sans ambiguïté d’un type à l’autre (des reptiles aux oiseaux par exemple) ou bien imaginer de manière hypothétique et convaincante, avec les détails, des reconstitutions de ces formes intermédiaires avec le pourquoi du comment du changement à chaque stade. Sans ces démarches tout l’édifice du néo-darwinisme est condamné à rester une simple hypothèse.



II. Les failles de la paléontologie



Depuis une centaine d’années la paléontologie nous dévoile un fait inattendu : l’extrême rareté des formes intermédiaires. De plus, la découverte de ces nouvelles espèces fossiles ne fait qu’accroître la quantité d’espèces de transition requises afin de rendre compte de leur existence. La révélation du "secret professionnel de la paléontologie" (Stephen Jay Gould) a fini par convaincre certains darwiniens orthodoxes (dont Gould lui-même) de rejeter le "tout-gradualisme" : des "macromutations" seraient alors apparues au hasard parmi une faible proportion de la population entraînant un changement évolutif abrupte et rapide (la théorie des "monstres prometteurs"). En fait, nous en sommes rendus à un stade où l’on n’espère même plus découvrir les fameux "chaînons manquants" : parmi les espèces vivantes ou disparues rares sont celles qui peuvent être considérées à coup sûr comme l’ancêtre d’une autre. Il existe certes des fossiles retraçant les processus évolutifs mineurs (l’exemple de la lignée du cheval est bien connu) mais où sont passés les intermédiaires pour les grands sauts évolutifs (qui devraient logiquement être infiniment plus nombreux) ? Il est clair aujourd’hui que la paléontologie ne confirme pas le gradualisme darwinien.



III. Les failles des reconstructions théoriques



De nombreux scientifiques se sont attelés à reconstruire hypothétiquement ces formes intermédiaires. Or, la tâche s’avère bien plus ardue que prévue. Imaginer des formes graduelles fonctionnelles afin, par exemple, de parvenir aux plumes et aux ailes des oiseaux à partir des membres antérieurs formés d’écailles des derniers reptiles est un exercice d’une complexité inouïe. Le problème se répète maintes fois, Denton cite entre autres le passage de l’œuf amphibien à l’œuf amniotique ou de la formation du système respiratoire chez les oiseaux. Son idée majeure est que certains systèmes complexes ne peuvent pas être approchés de manière graduelle (c’est la thèse de la "complexité irréductible"). Un organe tel que l’aile est un ensemble parfaitement coadapté dont aucune des parties ne peut être modifié significativement sans nuire à sa fonction. Comparativement, si on considère l’évolution du point de vue de l’information codée dans l’ADN, on retrouve la même difficulté : est-il possible de changer intégralement le sens d’une information codée via une procédure d’essais et d’erreurs, le tout avec des intermédiaires ayant eux-mêmes un sens ?


Quelle que soit la discipline on retombe invariablement sur la saltation : on est forcé de conclure qu’un processus aléatoire a produit de façon abrupte la plume, le poumon aviaire ou l’œuf amniotique. L’idée n’est pas beaucoup plus satisfaisante pour l’esprit rationnel : si Darwin et de nombreux biologistes ont refusé les "sauts" dans la nature c’est qu’ils relèvent à juste titre plus du miracle que de la science.



IV. Les failles de l'homologie



L’homologie, la similitude dans les plans d’organisation de certaines espèces (les membres antérieurs de certains vertébrés par exemple), était le point fort des arguments de Darwin en faveur de la macroévolution. Mais les avancées en génétique et en embryologie relativisent la valeur de l’argument : comment se fait-il que l’homologie sur le plan squelettique ne corresponde pas au niveau des gènes et des processus embryonnaires ? En gros, des structures homologues sont atteintes via des chemins différents. Autre énigme posée par Denton : l’homologie existe aussi entre les membres antérieurs et postérieurs des vertébrés et pourtant aucun évolutionniste n’affirme qu’ils possèdent une source commune ancestrale. « Le cas de L’homologie n’est pas convaincant : trop d’anomalies et de contre-exemples l’entachent, trop de phénomènes refusent de s’intégrer harmonieusement dans le tableau orthodoxe ».



V. Les percées de la biologie moléculaire



La biologie moléculaire est une des grandes avancées des cinquante dernières années : on connaît aujourd’hui beaucoup mieux les mécanismes de l’hérédité et le fonctionnement de la cellule qu’à l’époque de Darwin. Or, au niveau moléculaire la classification de la nature est hautement hiérarchisée et montre l’absence de forme de transition. En séquençant la protéine Cytochrome C chez de nombreuses espèces on arrive à la conclusion suivante : à l’intérieur d'un embranchement donné aucune espèce ne peut être considérée comme l’ancêtre d’une autre. Par exemple, d'un point de vue moléculaire, n’importe quel vertébré (de l’homme à la lamproie en passant par la grenouille) est tout aussi éloigné de n’importe quel invertébré. La lamproie serait donc plus "proche" de l’homme que de l’escargot ! Denton considère l’hypothèse de "l’horloge moléculaire", introduite en conséquence du séquençage des protéines, comme une hypothèse purement ad hoc. Inexplicable par elle-même, son rôle serait en fait de "sauver les apparences". « L’influence du paradigme évolutionniste est si puissante qu’une idée qui ressemble plus à un principe de l’astrologie médiévale qu’à une théorie scientifique sérieuse du XXe siècle est devenue une réalité ».



VI. Le rôle incertain du hasard



Denton conclut sa démonstration en proposant une réflexion sur le rôle du hasard et l’énigme de la perfection. S'il est à l’origine des évolutions relativement mineures (le changement de couleur de la phalène du bouleau) il est prématuré d’affirmer que le hasard est responsable de la création de tous les organismes complexes connus. En l’état actuel de nos connaissances il est à peine possible de calculer la probabilité d’obtenir par hasard ne serait-ce qu’une protéine fonctionnelle ! Affirmer la puissance explicative du hasard ne peut se faire qu'en postulant a priori la vérité du paradigme darwinien. Mais c’est une tautologie.


La biologie moléculaire nous a dernièrement fait entrevoir une réalité étonnante : la cellule la plus simple envisageable est absolument hors de portée de nos technologies les plus élaborées. Son système de stockage de l’information, sa miniaturisation, la coordination de ses fonctions, sa machinerie interne et sa capacité d’auto-réplication sont des prodiges qu’il est difficile ne serait-ce que d’imaginer. L’abîme entre le vivant et l’inerte est gigantesque. Denton, tout au long de son essai, ne fait finalement que mettre en évidence ce principe universel : il existe une discontinuité flagrante dans la nature, des "sauts" dont il est bien difficile d’expliquer la raison.


L’influence du paradigme évolutionniste est immense et pourtant il ne s’accorde que peu avec les faits observés. Michael Denton explique son succès par son antériorité (Darwin est le premier à avoir proposé une explication entièrement naturelle du vivant) mais surtout par l’absence de paradigme cohérent concurrent. Il se garde d’ailleurs bien de conclure en proposant un quelconque mécanisme précis et détaillé expliquant l’évolution. On peut supposer qu’il penche vers une théorie "finaliste" sans s’aventurer pour autant vers une vision religieuse qui serait clairement non scientifique (Denton n’est pas un partisan de "L’intelligent Design"). Au-delà de la biologie les débats et querelles sur l’évolution sont inévitables puisque elle engage la définition de l’Homme. Aucun paradigme scientifique n’aura jamais autant influencé la pensée humaine : philosophiquement, sociologiquement ou encore politiquement. La théorie synthétique de l’évolution est devenue le grand mythe cosmogonique de notre modernité.


« Peut-on inventer une séquence de formes intermédiaires raisonnable ? [...] Je pense, bien que cela ne reflète peut-être que mon manque d'imagination, que la réponse est non. » Sephen Jay Gould.

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le 28 août 2021

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P. b.

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